Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

La confirmation de la loi « radio-magnétique » ouvre des perspectives pour les exoplanètes

mercredi 17 octobre 2018

Partant de l’analyse fine des émissions radio entre Jupiter et son satellite Io, des chercheurs du LESIA apporte une confirmation claire de la loi « radio-magnétique » qu’ils avaient théorisée entre 2001 et 2007. Extrapolée aux exoplanètes, celle-ci ouvre des perspectives optimistes quant à leur détection en radio.

Il peut sembler étrange que les émissions radio produites par les lunes de planètes magnétiques aient un lien avec les exoplanètes.

C’est pourtant la démonstration convaincante à laquelle se livre une équipe scientifique menée par Philippe Zarka, directeur de recherche CNRS au LESIA, dans un article paru dans la revue Astronomy & Astrophysics, le 16 octobre 2018 [1]

Dans le Système solaire, toutes les planètes magnétisées (la Terre, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune) produisent d’intenses émissions radio naturelles, dans le domaine des basses fréquences (au maximum quelques dizaines de MHz), du fait de leur interaction avec le vent solaire.

En outre, depuis 1964, on sait que le satellite Io interagit avec la magnétosphère de Jupiter, donnant lieu, là encore, à de puissantes émissions radio.

Jupiter et son satellite Io
Jupiter et son satellite Io

© NASA/JHUAPL/SwRI

En 2017, l’équipe scientifique a pu caractériser finement l’émission radio du couple « Io-Jupiter » [2], en procédant à l’analyse approfondie des observations accumulées sur 26 ans à Nançay avec le radiotélescope basses fréquences – le réseau décamétrique - de la station de radioastronomie de l’Observatoire de Paris.

En poursuivant l’analyse détaillée de cette base de données unique, les chercheurs ont clairement mis en évidence d’autres émissions radio, cette fois issues de l’interaction entre Jupiter et son satellite Ganymède.

Si leur existence avait déjà été identifiée l’année dernière [3], l’énergie n’en avait pas encore été mesurée. C’est désormais chose faite. Dans leur étude, les chercheurs apportent des valeurs précises sur la durée et l’intensité de ces émissions, déterminant ainsi leur puissance.

« Radio-magnetic scaling law »

L’étude comparée entre la puissance des émissions radio « Ganymède-Jupiter », celle « Io-Jupiter », puis celle des émissions radio des cinq planètes magnétisées montre que dans tous les cas, la puissance radio émise est proportionnelle au flot d’énergie magnétique qui impacte l’obstacle.

Dans les cas « Io-Jupiter » et « Ganymède-Jupiter », le flot provient du champ magnétique de Jupiter en rotation et l’obstacle est le satellite.
Dans les cas des magnétosphères planétaires, le flot provient du champ magnétique solaire en expansion, et l’obstacle est la planète.

Jupiter et Ganymède, le plus gros de ses satellites
Jupiter et Ganymède, le plus gros de ses satellites

© NASA/JPL/University of Arizona

« Apparemment universelle, cette loi radio-magnétique peut s’extrapoler aux exoplanètes : les Jupiter chauds (planètes géantes orbitant très près de leur étoile) reçoivent un flot d’énergie magnétique énorme, et devraient donc être de puissants émetteurs radio », souligne Philippe Zarka.

Extrapolation au domaine des exoplanètes

Si des milliers d’exoplanètes sont aujourd’hui connues, elles sont essentiellement détectées en optique.

L’équipe scientifique a démontré [4] que leur détection en radio permettrait d’apporter des indications très importantes sur :

  • Leur rotation ;
  • Le fait qu’elle soit synchrone ou non (comme la Lune face à la Terre) ;
  • L’inclinaison de leur orbite ;
  • L’existence ou pas d’un champ magnétique et d’une magnétosphère (la bulle magnétique gouvernée par le champ magnétique planétaire) ;
  • La façon dont elles interagissent avec leur étoile (via le vent et le champ magnétique stellaires) ;
  • La puissance et l’énergie alors mises en jeu.

Ces nouvelles données pourraient ouvrir de nouveaux champs d’études : la physique exo-magnétosphérique comparée, et la météorologie de l’espace sur d’autres systèmes stellaires que le nôtre.

L’enjeu est important et pourrait être comparable à la révolution vécue par les théoriciens de la formation du Système solaire, à la découverte des « Jupiter chauds ».

Enfin, la détection d’un champ magnétique et d’une magnétosphère sur une exoplanète pourrait être un facteur favorisant son habitabilité, compte tenu de la protection atmosphérique qu’ils assurent.

Contact LESIA

Notes

[1Zarka, P., M. S. Marques, C. Louis, V.B. Ryabov, L. Lamy, E. Echer, and B. Cecconi, Jupiter radio emission induced by Ganymede and consequences for the radio detection of exoplanets, Astron. Astrophys., 16 oct. 2018.
DOI:10.1051/0004-6361/201833586
https://www.aanda.org/articles/aa/pdf/forth/aa33586-18.pdf.

[2Marques, M. S., P. Zarka, E. Echer, V. B. Ryabov, M. V. Alves, L. Denis, and A. Coffre, Statistical analysis of 26 years of observations of decametric radio emissions from Jupiter, Astron. Astrophys., 604, A17, 2017.

[3Louis, C. K. , L. Lamy, P. Zarka, B. Cecconi, and S. L. G. Hess, Detection of Jupiter decametric emissions controlled by Europa and Ganymede with Voyager/PRA and Cassini/RPWS, J. Geophys. Res., 122, 9228-9247, 2017, doi:10.1002/2016JA023779

[4Hess, S. L. G., and P. Zarka, Modeling the radio signature of the orbital parameters, rotation, and magnetic field of exoplanets, Astron. Astrophys., 531, A29, 2011