Les observations radioastronomiques de comètes ont commencé très tôt, dès le développement de radiotélescopes performants dans les années cinquante. Les " grandes comètes " C/1956 R1 Arend-Roland et C/1965 S1 Ikeya-Seki furent parmi les premières cibles des observations radio. Ce fut d'abord une succession de résultats contradictoires, imputables au caractère particulier de ces objets. Les comètes sont en effet fugitives, et le temps est compté pour confirmer les résultats d'une observation.
La comète découverte le 7 mars 1973 par Lubos Kohoutek (C/1973 E1 Kohoutek selon la nomenclature actuelle, 1973 XII selon la désignation " ancien style ", 1973f selon sa désignation provisoire) promettait d'être belle lorsqu'elle s'approcherait au plus près du Soleil, fin décembre de la même année. (Elle le fut moins que ce que l'on escomptait, ce ne fut pas la " comète du siècle ", mais c'est une autre histoire...) Fait rare, la découverte précoce de cette comète imprévue laissait un préavis de dix mois avant son périhélie. Cette année-là, une station orbitale habitable de la NASA, Skylab, était en opération. Une bonne occasion se présentait pour faire des observations spatiales, les premières du genre, de la comète. Les dates de la mission " Skylab 3 " furent modifiées de façon à la faire coïncider avec le moment de brillance maximum de la comète, en décembre-janvier. En soutien de ce projet, la NASA suscita une campagne internationale d'observation de la comète, avec tous les instruments disponibles et un réseau d'alerte fut mis sur pied.
Un groupe du Département de radioastronomie de l'Observatoire de Meudon (François Biraud, Gabriel Bourgois, Jacques Crovisier, René Fillit, Éric Gérard et Ilya Kazès) décida de s'associer à cette campagne en tentant l'observation de cette comète avec le radiotélescope de Nançay. La radioastronomie cométaire n'ayant encore enregistré aucun succès avéré, rien de concret ne pouvait guider ce projet. Parmi les possibilités offertes par l'instrument, il fut décidé de rechercher le rayonnement continuum (émis par les corps chauds ou ionisés) et les raies à 18 cm du radical OH (observées dans les nuages interstellaires et les masers circumstellaires).
La recherche du rayonnement continuum ne donna rien. En revanche, les raies de OH furent détectées début décembre au bout de quelques jours d'observation. Nous fûmes surpris de les voir apparaître en absorption. Ces résultats furent rapidement communiqués dans une Circulaire de l'Union astronomique internationale. C'était la première observation radio crédible d'une comète. Il restait à en comprendre la signification et à en assurer l'exploitation scientifique.