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SERMENT DES LETTRÉS ET DES SAVANTS |
Détail précieux : M. Bonaparte voulait qu'Arago
jurât. Sachez cela, l'astronomie doit prêter serment. Dans un
État bien réglé, comme la France ou la Chine, tout est
fonction, même la science. Le mandarin de l'Institut relève
du mandarin de la police. La grande lunette à pied parallactique doit
hommage-lige à M. Bonaparte. Un astronome est une espèce
de sergent de ville du ciel. L'Observatoire est une guérite comme une
autre. Il faut surveiller le bon Dieu qui est là-haut et qui semble
parfois ne pas se soumettre complétement à la Constitution du
14 janvier. Le ciel est plein d'allusions désagréables et a
besoin d'être bien tenu. La découverte d'une nouvelle tache au
soleil constitue évidemment un cas de censure. La prédiction
d'une haute marée peut être séditieuse. L'annonce
d'une éclipse de lune peut être une trahison. Nons sommes un peu
lune à l'Élysée. L'astronomie libre est· presque
aussi dangereuse que la presse libre. Sait-on ce qui se passe dans ces
tête-à-tête nocturnes entre Arago et Jupiter ? Si
c'était M. Leverrier, bien ! mais un membre du gouvernement
provisoire ! prenez garde, monsieur de Maupas ! Il faut que le bureau
des longitudes jure de ne pas conspirer avec les astres, et surtout avec ces
folles faiseuses de coups d'état célestes qu'on appelle les
comètes. Et puis, nous l'avons dit déjà, on est fataliste quand
on est Bonaparte. Le grand Napoléon avait une étoile, le petit
doit bien avoir une nébuleuse; les astronomes sont certainement un peu
astrologues. Prêtez serment, messieurs. Il va sans dire qu'Arago a refusé. Victor Hugo, « Napoléon le Petit »
(1852, livre VII). |