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Résumé (English version here )

La magnétosphère jovienne interne est peuplée de particules chargées qui sont principalement «produites» par le satellite Io, et soumises à l'action du puissant champ magnétique de Jupiter, formant entre environ 5 et 10 rayons joviens ( tex2html_wrap_inline3218 ) un nuage de plasma toroïdal (d'une «épaisseur» d'environ tex2html_wrap_inline3304 ), qu'on appelle ainsi le «tore de plasma d'Io». Cet objet constitue le plus bel exemple d'un plasma confiné dans une magnétosphère planétaire et, parce qu'il a été visité par cinq sondes spatiales, il est aussi un précieux laboratoire d'essai et de validation des techniques de mesures des plasmas in situ et à distance. Ajoutons que, pour les radio-astronomes, une bonne modélisation de la structure du tore est une des clefs de la compréhension du «phare» radio naturel que constitue le système jovien dans notre ciel.

Ma thèse est divisée en deux parties: dans la première partie, observationnelle, je présente deux méthodes nouvelles mises au point pour extraire des spectres radio d'Ulysse les mesures des densité et température des électrons. Ces méthodes exploitent les caractéristiques particulières de l'expérience URAP sur Ulysse (antenne dipolaire «longue», spin d'Ulysse, grande sensibilité du récepteur) ainsi que celles du milieu ambiant (plasma non collisionnel magnétisé, ondes de Bernstein, corotation du tore avec Jupiter), et ressortissent globalement de la «spectroscopie du bruit quasi-thermique recueilli par une antenne dans un plasma magnétisé» [Moncuquet, Meyer-Vernet and Hoang, J. Geophys. Res.,100, 21697, 1995; Moncuquet et al.,J. Geophys. Res.,102, 2373, 1997]. À la différence de Voyager 1 ou de Galileo, Ulysse a traversé le tore d'Io sur une orbite presque Nord-Sud, en restant pratiquement tangent à une coquille magnétique, et permettant ainsi pour la première fois la mesure des densité et température des électrons le long des lignes de force magnétiques. Le résultat le plus inattendu est que la température des électrons est fortement croissante avec la latitude (elle double en tex2html_wrap_inline3306 de latitude) et est anticorrélée à la densité, suivant une loi d'état polytrope d'indice tex2html_wrap_inline3308 . L'accroissement significatif de la température des électrons observé sur les lignes de force magnétiques contredit l'hypothèse, fondatrice de tous les modèles précédents, de l'équilibre isotherme (espèce par espèce) le long de ces lignes de force. En particulier, les modèles de confinement du tore utilisés jusqu'ici sont incorrects si la température des ions s'accroît avec la latitude comme celle des électrons.

La deuxième partie est consacrée à une nouvelle modélisation de la structure latitudinale du tore, susceptible d'expliquer ces résultats inattendus d'Ulysse tout en «fédérant» quelques mesures in situ. Pour expliquer l'inversion des températures et la loi polytrope, nous invoquons le mécanisme de «filtrage des vitesses» proposé par J.D. Scudder [in Astrophys. J., 398, 299, 1992] pour les couronnes stellaires. Ce mécanisme agit comme un filtre passe-haut sur les énergies des particules dès lors que ces particules sont confinées par un potentiel attractif monotone et que leurs distributions d'énergies sont non-maxwelliennes. Ces conditions sont réalisées dans le tore d'Io, où le potentiel attractif est dû à la force centrifuge qui confine les ions (et par conséquent les électrons pour préserver la neutralité du milieu), et où existe une population d'électrons suprathermiques dont les énergies décroissent en loi de puissance; dans ce cas, fréquemment rencontré dans les plasmas spatiaux, la distribution d'énergie peut être commodément modélisée par une fonction «kappa» [Meyer-Vernet, Moncuquet and Hoang, Icarus, 116, 202, 1995]. Nous généralisons ensuite ces distributions kappa à toutes les espèces de particules détectées dans le tore, en ajoutant la possibilité d'une anisotropie de température relativement à la direction du champ magnétique. Suivant F. Bagenal [J. Geophys. Res., 99, 11043, 1994], i.e. en repartant des mesures presqu'équatoriales de Voyager 1 pour modéliser la structure radiale du tore, on construit un nouveau modèle fondé sur ces distributions «bi-kappa anisotropes» pour calculer la structure latitudinale. Notre modèle réconcilie, pour l'essentiel et en tenant compte d'une variation globale de densité du tore entre les deux époques, les observations de Voyager 1 et 2 et d'Ulysse, et montre qu'elles peuvent parfaitement correspondre à des variations similaires en latitude et distance radiale des concentrations et des températures des différentes particules du tore. De plus, ce modèle rend compatible le profil radial de température des ions mesuré par Voyager 1 (croissant au delà de tex2html_wrap_inline3250 ) avec un profil radial à l'équateur du tore décroissant quasi-adiabatiquement.