Les questions (en gras ci-dessous) sur le métier
de "chercheur en astrophysique" ont été formulées en Novembre
2004 par des étudiant(e)s de licence de physique à l'université
de Montpellier II. Les réponses n'engagent que leur auteur...
• Où travaillez-vous?
Principalement à l'Observatoire de Paris à Meudon, laboratoire LESIA
(Laboratoire d'Etudes Spatiales et d'Instrumentation en Astrophysique) +
observations occasionnelles à la station de Radioastronomie de Nançay
(Sologne).
• avec qui ? et comment (en équipe, en relation avec d'autres
laboratoires) ?
En équipe localement (autres chercheurs du labo, ingénieurs et techniciens,
étudiants - stagiaires de maitrise/DEA et thésards),
avec des collaborateurs francais et étrangers de visu de temps à autre, et
par internet.
• Quelles langues parlez-vous ?
Francais, Anglais + bribes d'autres.
• Voyagez-vous beaucoup ?
Les enfants -surtout en bas âge- encouragent à se limiter, mais globalement
pas mal: disons 3 à 6 missions à l'étranger et 5 à 10 missions en France par
an. Heureusement, la plupart du temps de courte durée (congrés, atelier).
Parfois de longue durée (l'été dernier, 2 mois 1/2 au Japon)
• Nous avons pu constater au cours de nos recherche que la présence
des femmes était très rare. Est-ce que vous travaillez avec beaucoup de
femmes?
Je dirais entre 30 et 40%. Les femmes sont encore assez bien représentées en
astrophysique dans beaucoup de pays (France, USA, ...). Mais cette tendance
est à la baisse...
• Combien de temps travaillez-vous environ ?
En principe environ 40h par semaine avec 9 semaines de vacances par an
(au CNRS). En pratique, l'extrême liberté d'horaires d'un chercheur fait que
les journées sont parfois plus courtes (du fait de contraintes extérieures,
par ex "domestiques"), et souvent beaucoup plus longues (quand on veut
absolument faire avancer le sujet qui nous passionne et sur lequel on
travaille). Par ailleurs, la disponibilité d'un ordinateur portable fait
qu'il est possible de retravailler quelques heures tard le
soir... En mission aussi, les horaires de travail peuvent être lourds
(mais librement consentis). Je dirais en moyenne (difficile à évaluer
précisément) de l'ordre de 45-50h/semaine de travail effectif.
Et on ne prend pas forcément 9 semaines de vacances / an quand sa compagne
ou son compagnon n'en a que 6 ou 7.
• Quels sont les inconvénients du métier ?
Salaire peu élevé (quoique décent), mais SURTOUT l'interrogation permanente
qui va avec la liberté de recherche. Quand on est motivé, passionné par ce
qu'on fait, on se questionne souvent: "est-ce bien, utile, de bonne qualité
? suis-je au top (mondial) dans ma discipline ? dans quelle direction
s'orienter ? etc."
La "considération" du travail de recherche a aussi beaucoup baissé
dans nos gouvernements "néo-libéraux-de-droite", bien qu'heureusement
l'intérêt du public reste élevé.
• Si ce la n'est pas trop indicret, quel était votre salaire
à vos débuts et maintenant ? (vous n'êtes pas obligé
de répondre)
C'est très indiscret. 25000 FF/mois à mes débuts,
11000 Euros aujourd'hui !
NON, JE PLAISANTE, en fait:
8200 FF/mois net sur 12 mois au début (en 1985, à bac +7
!), et 3000 euros /mois net sur 12 mois aujourd'hui.
En revanche, les chiffres ci-dessus ne sont pas exceptionnels pour des
chercheurs "seniors" de niveau équivalent aux USA.
• Depuis combien de temps exercez-vous ?
J'ai été recruté au CNRS en 1985 (après 2 ans de thèse).
• A quel âge avez-vous voulu faire ce métier ?
Assez jeune (12-13 ans).
• Comment vous êtes-vous décidé dans le choix du métier et pourquoi ?
Interrogations sur "d'ou viens-je, ou vais-je, ou cours-je, et dans quel
état j'erre"; Lecture d'ouvrages de vulgarisation de physique et
d'astrophysique (avec une grande fascination pour la cohérence des
STRUCTURES - naturelles, mathématiques- que propose la physique);
mais aussi, Hubert Reeves à la TV; Tintin Objectif Lune/On a marché
sur la Lune ...
• Quel a été votre cursus ?
Bac C (scientifique), classes préparatoires scientifiques (Math
Sup + Math Spé), suivies d'une bifurcation -volontaire- vers l'Université
(Licence puis Maîtrise de Physique), DEA d'Astrophysique, Thèse en 1984.
• Quand vous étiez étudiant quelles étaient vos lacunes (si toutefois
vous en aviez...)?
Plutôt du genre "1er de la classe" (quoique très moyen en gym).
• Est ce vraiment avec un bac +8 que vous êtes devenu astrophysicien
?
En fait bac+7 car en 1983-84, la thèse de doctorat (dit "de 3e cycle" à
l'époque) ne durait que 2 ans contre 3 aujourd'hui.
• Quelles sont les difficultés que vous avez rencontré
pendant vos études et que vous rencontrez maintenant ?
Jusqu'au bac, aucune. En sup et spé, grosse augmentation du travail
personnel demandé pendant que les copains du même âge
sortent s'amuser ou gagnent de l'argent en travaillant. A l'Université,
3 ans d'études intéressantes et agréables dans une ambiance libre-libertaire
extraordinaire.
Aujourd'hui, la principale difficulté -non spécifique à l'astrophysique ou
la recherche-, est que la recherche est faite par des êtres humains, avec
tous leurs travers: jalousie pour certains, médiocrité pour d'autres, goût
du pouvoir très répandu; soif de gloire et de reconnaissance (je ne suis pas
forcément épargné de TOUS ces travers)... Mais c'est plutôt moins pire
qu'ailleurs car l'emploi lui-même n'est jamais (rarement) en cause, d'où un
stress moindre.
Par ailleurs, l'intérêt du travail et la liberté dans son exercice sont des
avantages extraordinaires que peu de chercheurs échangeraient même pour un
salaire 3 fois supérieur (ce qui n'est pas une raison
pour continuer à les mal rémunérer).
• Quels sont les objectifs de vos recherches ?
Etudes des environnements magnétisés et ionisés des astres, surtout les
planètes (les "nôtres" et les "extrasolaires") via les ondes radio
naturelles qu'ils émettent.
• Quelle évolution professionnelle pouvez vous espérer ?
Je suis "Chargé de Recherche" au CNRS. Par goût, je suis plutôt "Surchargé"
de recherche.
L'évolution naturelle statutaire qu'on peut attendre dans mon cas (âge,
qualité/quantité du travail) est Directeur de Recherche de 2ème classe.
Les grades supérieurs (1ère classe ou classe exceptionnelle) dépendent
fortement de la prise de charges administratives (direction de labo...) pour
lesquelles j'ai un goût limité.
Mais la plus grande reconnaissance d'un chercheur est celle de ses pairs, de
sa communauté (avec comme fantasme ultime le prix Nobel), et aussi du public
quand on fait de la vulgarisation (c'est mon cas).
• Avez-vous pu choisir le lieu où vous exercez ?
Oui. C'est souvent le cas pour un chercheur, "propriétaire" de son poste et
bénéficiant d'une grande autonomie dans le travail.
• Que vous apporte ce métier (satisfaction personnelle) ?
Liberté, questionnement et remise en cause permanents (l'avantage de
l'inconvénient), volonté d'apprendre et de progresser permanente (on reste
un éternel étudiant), goût de chercher, d'explorer le nouveau, de comprendre
ou découvrir pour la 1ère fois;
contact avec les étudiants (un peu d'enseignement + direction de
stages et thèses), le public. Aussi, le fait d'acquérir et
aiguiser un esprit critique utile pour la vie sociale, l'analyse politique,
le décrytage de la pub; le goût du beau qui va avec l'astrophysique
et encourage à le rechercher dans la culture, les arts. Bref, on n'est
pas malheureux.
• Publiez vous beaucoup ?
Pas mal (moins que beaucoup d'américains, mais nos articles sont souvent
plus fouillés et riches de résultats). Près d'une
centaine de publications scientifiques dans des revues ou ouvrages de
recherche,
2 ouvrages, plus une soixantaine de communications publiées et ~150
communications/participations à colloques scientifiques; sans compter
les rapports, propositions d'expériences spatiales, la vulgarisation ...
Merci...
De rien.