Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

Spectroscopie du bruit quasi-thermique

vendredi 20 décembre 2019, par Karine Issautier, Nicole Meyer

Cette méthode constitue une exploitation originale du bruit - ici le bruit des électrons du milieu ambiant - qui est à la frontière entre la physique des plasmas et celle des antennes électriques. Le principe est schématisé sur la figure : l’agitation (thermique ou non) des particules du milieu ambiant produit des fluctuations de champ qui sont mesurées par un récepteur placé aux bornes d’une antenne électrique.

Principe de détection du plasma et des poussières avec une antenne électrique connectée à un récepteur radio sensible.

Le spectre est essentiellement formé d’une raie à la fréquence de résonance du plasma (proportionnelle à la racine carrée de la densité) dont l’amplitude et la forme sont caractéristiques de la température et d’autres propriétés.

Spectre de bruit quasi-thermique
Spectre de bruit quasi-thermique

Spectre de bruit quasi-thermique avec les différentes contributions : électrons, ions, bruit de grenaille.

Ce champ est de type électrostatique, dont le couplage étroit avec les électrons et les ions ambiants permet un diagnostic in situ du plasma, contrairement aux ondes électromagnétiques, dont la propagation à grande distance permet un diagnostic des sources lointaines.

L’analyse du spectre de puissance mesuré fournit une mesure in situ du plasma en milieu spatial. Cette technique originale, inventée au laboratoire, a été utilisée dans le vent solaire et dans des environnements planétaires et cométaires avec les sondes spatiales ISEE-3/ICE, Ulysse, Wind, Cassini, et STEREO. Elle est prévue sur la mission Bepi-Colombo d’exploration de Mercure et pour Solar Orbiter. Elle est utilisée sur Parker Solar Probe, où elle a joué un rôle majeur dans la sélection de l’instrument FIELDS, puisque les antennes électriques "voient" le milieu ambiant sans être derrière le bouclier thermique ; elle a permis récemment de mesurer pour la première fois la densité et la température des électrons thermiques et suprathermiques à 36 rayons solaires. Une extension de la méthode en plasma poussiéreux a été utilisée dans les anneaux de Saturne, Uranus et Neptune et plus récemment dans le vent solaire où elle a permis de détecter pour la première fois des nanoparticules.

Plus précisément

La raie à la fréquence de plasma est produite par les ondes de Langmuir induites par les mouvements quasi-thermiques des électrons. Comme leur longueur d’onde est supérieure à la longueur de Debye du plasma, la détection requiert une antenne de longueur supérieure à cette valeur ; mais comme les électrons interagissent avec les ondes dont la vitesse de phase égale leur vitesse, et que la vitesse de phase tend vers l’infini à la fréquence de plasma, les électrons supra-thermiques augmentent considérablement l’amplitude de la raie, ce qui permet leur détection.

La vitesse de phase (donc la longueur d’onde) tendant vers l’infini à la fréquence de plasma a une autre conséquence. la technique est équivalente à un détecteur de grande taille - beaucoup plus grande que les détecteurs conventionnels utilisés dans l’espace, et, pour la même raison, est relativement insensible aux perturbations générées par la sonde spatiale, ce qui explique ses succès.

Une extension de la méthode en présence d’un champ magnétique permet un diagnostic des environnements planétaires magnétisés et a été utilisée dans les magnétosphères de Jupiter et Saturne. Dans ce cas, le pic du spectre à la fréquence de plasma est décalé vers la fréquence hybride haute et les modes de Bernstein contribuent au spectre entre les harmoniques de la gyrofréquence. Enfin, cette méthode a été généralisée à des fonctions de distribution de type Lorentzienne généralisée, permettant de mieux décrire les distributions observées dans les plasma spatiaux, comme le vent solaire et les magnétosphères planétaires. Soulignons que cette méthode produit la plus précise et la plus fiable des mesures in situ de densité et température électronique et est utilisée pour la calibration des détecteurs de particules.

Quelques références récentes

  • M. Moncuquet, N. Meyer-Vernet, K. Issautier et al. (2019), First in-situ measurements of electron density and temperature from Quasi-Thermal Noise spectroscopy with Parker Solar Probe/FIELDS, ApJS (Parker Solar Probe special issue). http://arxiv.org/abs/1912.02518
  • N. Meyer-Vernet, K. Issautier, and M. Moncuquet (2017) Quasi-thermal noise spectroscopy : The art and the practice. J. Geophys. Res. Space Physics, 122, doi:10.1002/2017JA024449. https://hal.archives-ouvertes.fr/ha...

Équipe scientifique au LESIA

  • Karine Issautier
  • Nicole Meyer-Vernet
  • Michel Moncuquet
  • Milan Maksimovic
  • Arnaud Zaslavsky
  • Mingzhe Liu (doctorant)

Documents à télécharger

  • Thermal noise spectroscopy (PDF - 548.6 ko)

    Measuring plasma parameters with thermal noise spectroscopy

  • Quasi-thermal noise in the heliosphere (Meyer-Vernet & the QTN team, 2017) International Workshop on solar, heliospheric and magnetospheric radioastronomy : The legacy of Jean-Louis Steinberg (1922-2016) 6-10 Nov 2017, Observatoire de Paris, Meudon