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1.2.2 Modéliser les fluctuations du champ électrique dans un plasma sans collision

Une esquisse de la théorie cinétique des plasmas

Sous certains aspects, un plasma est un fluide parfait conducteur, c'est-à-dire qu'il peut être modélisé comme s'il s'agissait d'un milieu continu ( voir le premier chapitre de ce cours), c'est-à-dire par les équations qui régissent les fluides classiques, auxquelles on ajoute les équations de Maxwell, la loi d'Ohm et l'action des forces de Lorentz, pour obtenir les équations de la magnétohydrodynamique ou MHD. Cependant, de nombreuses propriétés des plasmas (en particulier des plasma ``chauds'') ne peuvent être abordés par la MHD et leurs propriétés n'apparaissent seulement qu'au travers de leur comportement microscopique. Ces comportements sont mieux modélisé par les méthodes de la théorie cinétique, c'est-à-dire les méthodes qui prennent en compte le mouvement de chacune des particules qui composent le plasma : le milieu est dit alors discret ou particulaire. Pour pouvoir ensuite accéder avec de tels modèles aux quantités macroscopiques, on a recours aux méthodes statistiques. L'outil de base pour la description d'un modèle cinétique en $\vec{x}$ et à l'instant $t$ est la fonction de distribution des vitesses de particules $f(\vec{v},\vec{x},t)$.

L'équation de base de la théorie cinétique des plasmas1.10 faisant intervenir la fonction de distribution des vitesses est l'équation de Boltzmann, qui s'écrit sous sa forme non-relativiste et pour une espèce $\alpha$ de particules de distribution $f_{\alpha}$:

\begin{displaymath}
\frac{\partial \vec{f_\alpha}}{\partial t} +
\vec{\nabla}f_...
...= {\frac{
{\rm d}f_{\alpha}}{{\rm d}t}} \vert {\rm collisions}
\end{displaymath} (1.8)

$q_{\alpha}$ et $m_{\alpha}$ sont respectivement la charge et la masse de la particule d'espèce $\alpha$ considérée et $ \vec{\nabla}_{v}$ dénote le vecteur $
(\partial/\partial v_{1},\partial/\partial v_{2},
\partial/\partial v_{3})$.
Lorsqu'on néglige le terme de collisions, on obtient l'équation de Vlasov :
\begin{displaymath}
\frac{\partial \vec{f_\alpha}}{\partial t} +
\vec{\nabla}f_...
...\right)\cdot \frac{\partial f_{\alpha}}
{\partial \vec{v}} = 0
\end{displaymath} (1.9)

Cette équation caractérise l'évolution dans le temps et l'espace de la distribution des particules d'un plasma non collisionnel. Les quantités macroscopiques (densité, température etc...) sont ensuite classiquement déduites de cette fonction de distribution par le calcul de ses moments1.11. Par contre les champs électrique et magnétique -ainsi que les équations de Maxwell qui les gouvernent- sont des notions non statistiques et localement non discrètes, dont le couplage avec une distribution statistique de particules doit être précisé. On montre, dans le cadre de la théorie cinétique de Vlasov-Maxwell que $\vec{E}$ et $\vec{B}$ peuvent être considérés comme respectivement des champs électrique et magnétique moyennés sur un volume de plasma statistiquement significatif pour la distribution considérée mais limité à une sphère de rayon égal à la longueur de Debye:
\begin{displaymath}
L_{D}=\sqrt{\frac{\epsilon_{0} K_{B} T_{\alpha}}{q_{\alpha}^{2}n_{\alpha}}}
\end{displaymath} (1.10)

$\epsilon_{0}$ est la permittivité du vide, $K_{B}$ la constante de Boltzmann, $T_{\alpha}$ et $n_{\alpha}$ respectivement la température et la densité de l'espèce $\alpha$. Autrement dit, dans la description cinétique de Vlasov-Maxwell, un plasma est formé d'un ensemble de particules ``test", chacune ``habillée'' d'une sphère ou gaine de Debye, et l'évolution de la distribution des vitesses de ces particules test est régie par l'équation (1.9).Sa résolution permet en principe d'exprimer les fonctions de distributions à partir des champs $\vec{E}$ et $\vec{B}$ et d'en déduire les densités de charge $\rho$ et de courant $\vec{J}$
    $\displaystyle \rho(\vec{x},t)= \sum_\alpha q_\alpha \int f_\alpha d^{3}v$ (1.11)
    $\displaystyle \vec{J}(\vec{x},t)= \sum_\alpha q_\alpha \int \vec{v} f_\alpha d^{3}v$ (1.12)

En reportant ces grandeurs dans les équations de Maxwell, on obtient un système complet auto-cohérent des équations dynamiques cinétiques du plasma. Rappelons ici les équations de Maxwell:
$\displaystyle \vec{\nabla}\wedge \vec{E} +\frac{\partial \vec{B}}{\partial t} = 0 \;\;\;
;\;\;\; \vec{\nabla}\cdot \vec{B} = 0$     (1.13)
$\displaystyle \vec{\nabla}\wedge \frac{\vec{B}}{\mu_0}-\epsilon_0
\frac{\partia...
..._{ext}} \;\;\;
;\;\;\; \epsilon_0 \vec{\nabla}\cdot \vec{E} - \rho = \rho_{ext}$     (1.14)

$\vec{J_{ext}}$ et $\rho_{ext}$ sont des densités et des courants produits par des ``sources externes''.

Dynamique électrostatique, linéarisée, à une dimension

On voit sur le dernier terme de (1.9) que les équations du modèle de Vlasov-Maxwell sont non-linéaires et donc en général difficiles à résoudre analytiquement. C'est pourquoi, et cela suffira pour le projet de modélisation du bruit thermique, nous allons les réduire à une dimension (ce qui revient à considérer un plasma isotrope) et se restreindre aux ondes purement électrostatiques $(\vec{B}=0)$.

Soit $x$ la coordonnée dans le système à une dimension étudié. En posant $\vec{v}=v\vec{e_x}, \vec{E}=E\vec{e_x}$, et $\vec{B}=0$, on a d'après (1.9)-(1.14):

$\displaystyle \frac{\partial f_\alpha}{\partial t} +
v \frac{\partial f_\alpha}...
...rtial x} +
\frac{q_\alpha}{m_\alpha} E \frac{\partial f_\alpha}{\partial v} = 0$     (1.15)
$\displaystyle \rho= \sum_\alpha q_\alpha \int_{-\infty}^{+\infty} f_\alpha dv$     (1.16)
$\displaystyle \epsilon_0 \frac{\partial E}{\partial x} - \rho = \rho_{ext}$     (1.17)

Ces équations sont aussi non linéaires mais nous les résolvons pour des perturbations de petite amplitude d'un état d'équilibre homogène, neutre et sans champ. Pour définir ces perturbations, on pose pour chaque espèce de particules:
$\displaystyle f_\alpha = f_{\alpha 0}+f_{\alpha 1}(v,x,t) \;\;\; ; \;\;\;
\vert f_{\alpha 1}\vert \ll f_{\alpha 0}$     (1.18)
$\displaystyle \rho = \rho_0 + \rho_1(x,t) \;\;\; ; \;\;\; \vert\rho_1\vert \ll \rho_0$     (1.19)

En posant $E=E_1(x,t)$ le champ créé par la perturbation, on obtient à partir de (1.15)-(1.17) les équations linéarisées:
$\displaystyle \frac{\partial f_{\alpha 1}}{\partial t} +
v \frac{\partial f_{\a...
...l x} +
\frac{q_\alpha}{m_\alpha} E_1 \frac{{\rm d} f_{\alpha 0}}{{\rm d} v} = 0$     (1.20)
$\displaystyle \rho_1= \sum_\alpha q_\alpha \int_{-\infty}^{+\infty} f_{\alpha 1} dv$     (1.21)
$\displaystyle \epsilon_0 \frac{\partial E_1}{\partial x} - \rho_1 = \rho_{{\rm ext}}$     (1.22)

où la source externe est supposée de petite amplitude.

On résout ensuite les équations (1.20)-(1.22) comme suit: On transforme par Fourier les champs de perturbation dépendant de l'espace et du temps, de sorte que (1.20)-(1.22) deviennent des équations linéaires algébriques dans l'espace spectral $\{\omega,k\}$ qui se résolvent facilement. Les dépendances spatio-temporelles des champs sont ensuite obtenues en inversant la transformation de Fourier. Les transformées de Fourier de (1.20)-(1.22) s'écrivent:

$\displaystyle -i(\omega-kv)f_{\alpha 1} - g_{\alpha 1}(v,k)
\frac{q_\alpha}{m_\alpha} E_1 f_{\alpha_0}' = 0$     (1.23)
$\displaystyle \rho_1= \sum_\alpha q_\alpha \int_{-\infty}^{+\infty} f_{\alpha 1} dv$     (1.24)
$\displaystyle i k \epsilon_0 E_1 - \rho_1 = \rho_{{\rm ext}}$     (1.25)

$g_{\alpha 1}(v,k)$ est la transformée de Fourier de la perturbation initiale (i.e. à l'instant $t=0$):
$g_{\alpha 1}(v,x)= f_{\alpha 1}(v,x,0)$.

On déduit de (1.23)-(1.25):

\begin{displaymath}
f_{\alpha 1} = -i \frac{q_\alpha}{m_\alpha} \frac{ f_{\alpha_0}' E_1}{\omega-kv}
+i\frac{g_{\alpha 1}}{\omega-kv}
\end{displaymath} (1.26)

d'où
\begin{displaymath}
\rho_1=\sum_\alpha -i \frac{q_\alpha^2}{m_\alpha}\int_{-\inf...
...ha
\int_{-\infty}^{+\infty} \frac{g_{\alpha 1} dv}{\omega-kv}
\end{displaymath} (1.27)

On voit qu'il y a deux parties dans la densité de charge $\rho_1$, dont une seule dépend du champ électrique $E_1$ appelée densité de charge collective:

\begin{displaymath}
\rho_{\rm coll}
=\sum_\alpha -i \frac{q_\alpha^2}{m_\alpha}\int_{-\infty}^{+\infty}
\frac{ f_{\alpha_0}' dv}{\omega-kv} E_1
\end{displaymath} (1.28)

L'autre partie $\rho_{{\rm init}}$ dépendant des conditions initiales $g_{\alpha 1}$ des fonctions de distributions perturbées. En portant (1.27) dans l'équation de Poisson (1.25), on obtient:
\begin{displaymath}
i k \epsilon_0 E_1 - \rho_{\rm coll} = \rho_{{\rm init}} + \rho_{{\rm ext}}
\equiv \rho_{{\rm exc}}
\end{displaymath} (1.29)

où les diverses excitations sont regroupées dans une densité de charge $\rho_{{\rm exc}}$.

La permittivité longitudinale du plasma

La dynamique des perturbations du plasma décrite par l'équation de Vlasov linéarisée fait correspondre à un champ électrique donné $E_1$ une densité de charge collective. Cela permet de définir une fonction de réponse interne, la susceptibilité longitudinale $\chi_L(k,\omega)$ par la formule:

\begin{displaymath}
\rho_{\rm coll} = - i k \epsilon_0 \chi_L E_1
\end{displaymath} (1.30)

et donc d'après (1.28), en introduisant pour chaque espèce $\alpha$ sa fréquence plasma $\omega_{p \alpha}=\sqrt{q_\alpha^2 n_\alpha/m_\alpha \epsilon_0}$ :
\begin{displaymath}
\chi_L(k,\omega)=
\sum_\alpha \frac{\omega_{p \alpha}^2}{k}\int_{-\infty}^{+\infty}
\frac{ f_{\alpha_0}' dv}{\omega-kv}
\end{displaymath} (1.31)

où on a normalisé $\int_{-\infty}^{+\infty} f_{\alpha_0} dv $ à 1.

Comme chaque espèce de particule du plasma contribue indépendamment à la densité, on peut définir la susceptibilité longitudinale de chaque espèce simplement par:

\begin{displaymath}
\chi_{L\alpha}(k,\omega)=
\frac{\omega_{p \alpha}^2}{k}\int_{-\infty}^{+\infty}
\frac{ f_{\alpha_0}' dv}{\omega-kv}
\end{displaymath} (1.32)

En portant (1.30) dans (1.29) qui décrit le champ électrique engendré par des excitations extérieures, on a:

\begin{displaymath}
\epsilon_L(k,\omega) E_1 = \frac{\rho_{{\rm exc}}}{ik\epsilon_0} \equiv
E_{{\rm exc}}
\end{displaymath} (1.33)


\begin{displaymath}
\epsilon_L(k,\omega)= 1 + \chi_L(k,\omega) = 1 + \sum_\alpha
\chi_{L\alpha}(k,\omega)
\end{displaymath} (1.34)

est la permittivité longitudinale du plasma.

l'équation (1.33) montre que, comme dans un diélectrique 1.12ordinaire, la permittivité $\epsilon_L(k,\omega)$ tend à faire ``écran'' au champ d'excitation extérieur $E_{{\rm exc}}$. Mais la permittivité d'un plasma n'est pas une constante, elle varie avec $k$ et $\omega$, ce qui se traduit par le fait que le plasma est un milieu dispersif, temporellement et spatialement. Autrement dit, $\epsilon_L(k,\omega)$ agit comme un ``écran dynamique'' vis-à-vis du champ d'excitation.

Ondes longitudinales électrostatiques

L'étude de la dynamique non collisionnelle à une dimension qui précède peut aussi s'appliquer dans un plasma réel (à trois dimensions) à condition de se restreindre à des fonctions de distributions d'équilibre isotropes, c'est-à-dire telle que $f_{\alpha0}(\vec{v})=f_{\alpha0}(v^2)$ et restreindre l'espace $(\vec{k},\omega)$ aux seules ondes longitudinales électrostatiques, c'est-à-dire telles que $\vec{k} \parallel \vec{E_1}$. Puisque $\vec{v}$ et $\vec{k}$ ont des directions relatives arbitraires, on note $v_k$ la composante de $\vec{v}$ parallèle à $\vec{k}$ et on introduit les fonctions de distribution scalaires réduites:

\begin{eqnarray*}
F_{\alpha 0}(v_k) = \int f_{\alpha0}(\vec{v}) d^2v_{k \perp} =...
...) \delta\left( v_k - \frac{\vec{k} \cdot \vec{v}}{k}\right) d^3v
\end{eqnarray*}



A condition d'y remplacer $f_{\alpha0}$ par $F_{\alpha 0}$ et $v$ par $v_k$, les équations (1.32) à (1.34) rendent aussi compte de la ``réponse'' (susceptibilité et permittivité) d'un volume de plasma isotrope à des excitations longitudinales électrostatiques.

Ondes électrostatiques dans un plasma maxwellien

Quand les fonctions de distribution d'équilibre des particules du plasma sont maxwelliennes, on peut obtenir des expressions analytiques explicites de la relation de dispersion des ondes faiblement amorties 1.13. Les ondes électrostatiques dans un plasma non magnétisé ou peu magnétisé comme le vent solaire peuvent être séparées en deux familles: les ondes de hautes fréquences (près de la fréquence plasma des électrons) -celles qui vont nous intéresser ici- appelées ondes de plasma électroniques (ou oscillation de plasma, ou ondes de Langmuir) pour lesquelles le mouvement des ions est négligeable; les ondes de basse fréquences (sous la fréquence plasma des ions), appelées ondes acoustiques ioniques ou pseudo-sonores.

On va donc négliger le mouvement des ions et on a seulement besoin de considérer la fonction de distribution à l'équilibre $f_{0e}$ des électrons. Dans le cas réduit à une dimension, on aura:

$\displaystyle f_{0e}(v)=\frac{\exp(-v^{2}/v_{th}^{2})}{\sqrt{\pi} v_{th}}$     (1.35)

$v_{th}=\sqrt{2 K_{B} T / m_{e}}$ est la vitesse thermique des électrons, $T$ leur température et $m_{e}$ la masse de l'électron. La permittivité longitudinale électronique s'écrit alors, en utilisant1.14 les équations (1.32) et (1.34) :
    $\displaystyle \epsilon_L(k,\omega)= 1 + \frac{ 1 - \Phi(z) + i\sqrt{\pi} z
e^{-z^{2}}}{k^{2} L_{D}^{2}}$ (1.36)
    $\displaystyle \Phi(z) = 2 z e^{-z^{2}} \int_{0}^z dt e^{t^{2}}$ (1.37)

avec $z=\omega/(k v_{th})$ et $L_{D}$ la longueur de Debye électronique déjà définie mais que l'on peut exprimer simplement en fonction de $v_{th}$ et de la fréquence plasma $\omega_{p} =
2\pi f_{p}$ des électrons par: $L_{D}=v_{th}/(\sqrt{2}\omega_{p})$
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Michel Moncuquet
DESPA, Observatoire de Paris
2001-03-05