Au lieu d'une superposition de maxwelliennes, il est en fait à la fois
plus réaliste et plus commode, pour décrire la cinétique d'un plasma
hors-équilibre thermique, d'utiliser
une distribution non-maxwellienne de type «kappa»
(ou -distribution ou Lorentzienne généralisée) de la forme normalisée:
où la constante , analogue de la vitesse thermique pour une maxwellienne,
peut être appelée «vitesse kappa-thermique».
Ces distributions kappa sont couramment utilisées pour modéliser des
distributions
observées dans les plasmas naturels [Vasyliunas, 1968, Collier and Hamilton, 1995, par ex.,] :
elles sont
quasi-maxwelliennes aux basses énergies (coeur thermique) tandis que pour
les particules plus énergétiques (halo non-thermique) elles décroissent en
loi de puissance. Notons que les observations conduisent typiquement à
des indices
compris entre 2 et 6 et que la distribution kappa tend
vers une maxwellienne lorsque
puisque
.
À cette limite (qui est celle de l'équilibre thermique),
nos deux températures distinguées T et
coïncident,
tandis qu'avec un
fini,
ces températures vont être différentes (mais seront toutes deux,
on va le voir,
croissantes avec la latitude et aboutiront à la même loi polytrope).
Déduite des moments de la -distribution ,
la température «traditionnelle» est ainsi :
tandis que la température effective (mesurée par Ulysse pour les électrons) est :
Maintenant, pour apprécier la variation de ces températures avec l'altitude
s le long d'une ligne de champ, il suffit d'utiliser iv.8 dans iv.6
pour constater qu'à l'altitude s, la distribution reste kappa (avec le même
). Cela découle de la propriété générique suivante
des
-distributions
(qui résume l'effet de l'introduction d'un champ d'énergie potentielle
Q, i.e. de la filtration des vitesses, sur une
-distribution):
En utilisant cette relation avec dans l'équation des
moments iv.7, on obtient :
Puisque la densité est le moment d'ordre 0, on obtient le profil de densité le long d'une ligne de champ de part et d'autre de l'équateur centrifuge (i.e. du minimum de potentiel s=0) :
On déduit ensuite, du calcul du rapport des moments ,
le profil de température, lié, quelque soit la température
considérée, au profil de densité par :
Ce qui permet en définitive d'affirmer qu'en modélisant le tore de plasma d'Io
avec une telle -distribution, on prédira une augmentation de la
température avec la latitude (comme avec toute distribution
«raisonnablement»
non-maxwellienne) mais plus précisément que la densité et la température
suivront le long des lignes de champ une loi d'état polytrope
à
, dont l'indice polytrope est relié au kappa de
la distribution par :
Réciproquement, la loi polytrope observée ( ) nous suggère de
modéliser les électrons du tore en utilisant une
-distribution avec :
. Bien entendu, notre mesure ne nous indique pas si la «
vraie» distribution des vitesses des électrons (qui n'a pas pu être mesurée
sur Ulysse) est une distribution kappa. De plus, la valeur que nous dérivons de
la loi polytrope n'a de sens que parce que la mesure s'est faite à rayon
magnétique quasiment constant et n'est donc valide que pour cette coquille
magnétique sur laquelle se trouvait Ulysse (environ 8
) : on a en effet
démontré qu'en supposant la distribution kappa à l'équateur, elle le restait le
long d'une ligne de champ (avec la même valeur du kappa), mais rien ne permet
d'affirmer par contre qu'en se déplaçant radialement, la distribution devra
conserver le même kappa ou même tout bonnement rester une
-distribution
(ceci dit, supposer le kappa constant avec la distance radiale est une
hypothèse moins restrictive que de supposer la distribution maxwellienne en
tout point du tore).