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Filtrage des vitesses

L'idée est la suivante : les électrons du tore, soumis à une force de rappelgif (i.e. dérivant d'un potentiel attractif) parallèlement à tex2html_wrap_inline3354 , vont pouvoir se déplacer (sans collision) le long d'une ligne de champ d'autant plus loin du minimum de potentiel (l'équateur centrifuge) que leur énergie cinétique à l'équateur centrifuge est élevée (conservation de l'énergie totale). Il en résulte donc, d'un point de vue microscopique, un processus de discrimination des particules à une latitude centrifuge donnée en fonction de leurs vitesses initiales à l'équateur (c'est pourquoi on l'appelle «filtrage des vitesses»). En passant au calcul des paramètres macroscopiques, ce filtrage va permettre d'expliquer la diminution de la densité avec la latitude (ce qui est banal), mais aussi, si la distribution à l'équateur n'est pas maxwellienne (comme c'est le cas), l'augmentation de la température avec la latitude et la loi polytrope. Ce processus de filtrage des vitesses que nous invoquons pour expliquer nos mesures dans le tore d'Io est semblable à celui proposé par [Scudder, 1992a]&b pour interpréter l'inversion de température dans les couronnes stellaires (le potentiel attractif étant dans ce cas celui de la gravité de l'étoile).

Quantifions un peu le raisonnement esquissé ci-dessus : considérons les particules chargées du tore se déplaçant sur une ligne de champ et repérés sur cette ligne par leur abscisse curviligne s, dont on fixe l'origine à l'équateur centrifuge. Soit tex2html_wrap_inline3764 la distribution de vitesse des particules en s=0 (supposée d'abord isotrope pour simplifier), et supposons les particules soumises à une force dérivant d'un potentiel attractif ( tex2html_wrap_inline3768 et minimum en s=0), dont on précisera la nature plus tard. Le théorème de Liouville énonce que la distribution de vitesse est constante sur la trajectoire des particules, et par conséquent la distribution à une abscisse s est tex2html_wrap_inline3774 et la conservation de l'énergie s'écrit : tex2html_wrap_inline3776 . On obtientgif donc :

  eqnarray586

Le moment d'ordre q de la distribution à l'abscisse s le long d'une ligne de champ est :

  eqnarray590

La densité n est le moment d'ordre 0, i.e. tex2html_wrap_inline3786 . En général, tex2html_wrap_inline3788 est une fonction décroissante de la vitesse et comme le potentiel tex2html_wrap_inline3790 est monotone croissant, tex2html_wrap_inline3792 décroît avec s. Par conséquent, tous les moments décroissent avec s et en particulier la densité.

Si tex2html_wrap_inline3788 est une maxwellienne de température T (voir Éq. iv.3) on voit facilement d'après iv.6 que la distribution restera une maxwellienne pour tex2html_wrap_inline3802 , et d'après iv.7 que tous les moments varient identiquement en s et qu'ainsi la température tex2html_wrap_inline3806 restera constante. Autrement dit, avec une distribution maxwellienne des vitesses à l'équateur centrifuge, le potentiel filtre toutes les particules de la même façon (cela produit simplement une translation en tex2html_wrap_inline3808 qui multiplie tex2html_wrap_inline3810 par une constante) et l'équilibre thermique se conserve le long des lignes de champ, à température constante. On voit ainsi que le choix d'une distribution maxwellienne dans le cadre d'une description cinétique du tore de plasma est équivalent à l'hypothèse, utilisée jusqu'à présent dans les modèles fluides, d'un plasma isotherme le long des lignes de champ pour chaque espèce de particules.

En l'absence d'équilibre thermique local, c'est-à-dire en se donnant une distribution non-maxwellienne des vitesses des particules, comment va varier la température le long des lignes de champ ?
Avant de répondre à cette question, il faut définir de quelle température il s'agit, puisque cette notion, à la différence des moments, n'est rigoureusement définie (du point de vue microscopique) que pour une distribution maxwellienne des vitesses. Une généralisation formelle de la notion de température pour des distributions de vitesses quelconques est présentée dans l'article [Meyer-Vernet, Moncuquet and Hoang, 1995] (reproduit ici en annexe B.1), mais nous nous bornerons ici à expliciter deux températures qui nous intéressent directement et qui sont 1) la température « traditionnelle», c'est-à-dire obtenue par analogie avec la relation entre la température d'une distribution maxwellienne et ses moments : tex2html_wrap_inline3806 , et qui est une mesure de l'énergie moyenne des particules. 2) la température effective que nous avons obtenue par spectroscopie des modes de Bernstein sur Ulysse (et plus généralement par toute méthode de mesure sensible à la moyenne des inverses des énergies, c'est-à-dire sensible aux particules les plus froides) : tex2html_wrap_inline3814 .

On montre analytiquement [voir appendice de B.1] que toutes les températures formelles (y compris les deux citées ci-dessus), lorsqu'on les calcule à partir d'une distribution «générique» formée d'une combinaison linéaire d'un nombre quelconque de maxwelliennes (dite multi-maxwellienne), sont des fonctions croissantes de s. On le montrera aussi dans le paragraphe suivant avec un choix particulier de fonction de distribution non-maxwellienne, les fonctions «kappa». Mais on peut déjà dire qu'avec une telle distribution multi-maxwellienne (ou proche), et en présence d'un potentiel attractif monotone, la densité va, comme on l'a vu, décroître avec s tandis que la température va croître, ces deux quantités étant ainsi génériquement anticorrélées. Une conséquence importante est que si une loi polytrope tex2html_wrap_inline3820 existe dans un plasma près d'un puits de potentiel, son indice est nécessairement inférieur à 1 (ou à la limite égal à 1 dans le cas d'une distribution maxwellienne,i.e. d'un plasma à l'équilibre thermique).


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Michel Moncuquet
Tue Jan 13 19:37:26 MET 1998