Les méthodes qui ont été développées pour analyser les spectres d'Ulysse dans la magnétosphère interne de Jupiter sont elles applicables à d'autres observations ? La réponse à cette question est, bien sûr, ça dépend, et ça dépend à la fois de l'instrument qu'on utilise et du milieu qui l'environne.
Une première condition, absolument nécessaire pour mener ce type d'étude, est
la bonne qualité de l'instrument: sans la grande sensibilité et la bonne
calibration
du récepteur d' URAP/Ulysse, aucune des analyses spectrales présentées ici
n'aurait pu être menée. Par exemple, les récepteurs de Voyager 1 ou même de
Galileo (cf. figure i.5) ne nous auraient donné accès ni aux minima
absolus (aux gyroharmoniques), ni par conséquent à la régularité et à la
stabilité de l'accroissement des modes entre les gyroharmoniques, ni
probablement à la modulation de spin des spectres qui a permis l'obtention des
températures, ni à la chute brutale du signal, explicable grâce aux
bandes interdites aux modes de Bernstein et qui a fourni une mesure des
densités électroniques.
Cela dépend aussi de l'adéquation instrument/milieu. Premièrement,
pour observer des émissions radio entre les gyroharmoniques, il faut
bien sûr que la gamme balayée par le récepteur inclue la
gyrofréquence locale et quelques-unes de ses harmoniques, de la même façon
que la densité ne pourra être déterminée que si la fréquence plasma est
dans la gamme du récepteur. Mais c'est insuffisant : on sait par exemple
que, dans le cas du bruit thermique sans champ magnétique, la détection ou non
de la fréquence plasma va dépendre de la forme de l'antenne, et dans le cas
d'un dipôle électrique, de la longueur L de l'antenne par rapport à la
longueur de Debye du plasma environnant, une situation
favorisant l'émergence du pic à la fréquence plasma [Meyer-Vernet and Perche, 1989].
D'une manière générale, une antenne électrique filaire détecte préférentiellement les
ondes électrostatiques (longitudinales) dont la longueur d'onde est comparable
à la sienne.
Dans le cas Ulysse/tore, le dipôle (de 2x36 m) a détecté les modes de
Bernstein, dont la longueur d'onde est typiquement
, parce que le
rayon de gyration
des électrons du tore était de l'ordre de la
dizaine de mètres
, si bien que pour ces
observations, on avait typiquement
et
.
Notons néanmoins que le fait de pouvoir exploiter, comme sur Ulysse,
la rotation d'antenne dans le
champ magnétique est plus contingent : cela dépendra de l'orientation
de l'axe de rotation du satellite (qui généralement pointe vers la Terre)
par rapport au champ magnétique ainsi que de la vitesse de rotation elle-même
(si le satellite en a une
).
Cela dépend enfin du milieu lui-même: le champ magnétique ambiant doit être
suffisamment fort
pour que d'une part le soit
faible
(mais c'est pratiquement
toujours le cas dans la partie interne des
magnétosphères planétaires)
et que d'autre part la fréquence gyromagnétique des électrons
soit assez élevée pour pouvoir négliger le mouvement des ions
(i.e. être assez «loin» de la fréquence plasma des ions).
En outre,
la gamme de fréquence où pourront s'observer les modes de Bernstein ne
devra pas être «polluée» par d'autres émissions, plus puissantes,
dues soit à de
vraies instabilités de plasma
,
soit à des émissions radio planétaires
.
On voit donc qu'il est assez difficile de répondre précisément
à la question posée au début
de cette section. On peut dire néanmoins que,
sans pouvoir forcément exploiter toutes les
particularités de l'expérience URAP sur Ulysse, et indépendamment des
impondérables signalés ci-dessus, un instrument suffisamment sensible
utilisant une antenne électrique
filaire pourra observer les modes de Bernstein si la longueur de l'antenne est
plusieurs fois plus grande que le rayon de gyration moyen des électrons du
plasma
(ce qui suppose évidemment qu'on ait une idée de la température
électronique et de la magnitude du champ dans le plasma qu'on veut mesurer).