Le choix du kappa, comme celui de l'anisotropie est, pour le moment
,
arbitraire,
puisqu'on ne dispose de valeurs expérimentales concernant les ions
ni pour l'un, ni pour l'autre.
Une méthode de choix, empirique,
consiste à tester quelques valeurs grâce
à notre code afin de cerner ce qui est nécessaire, dans la limite du plausible,
pour pouvoir expliquer quelques observations. Par exemple, s'agissant
des températures des ions mesurées par Voyager 1,
que nous avons extrapolées à l'équateur centrifuge,
nous avons utilisé des valeurs
et
parce
que d'une part c'est un choix plausible (on a vu que les ions avaient
plutôt moins de raison d'être à l'équilibre que les électrons, pour
lesquels on a au moins un kappa expérimental : celui d'Ulysse à
)
et d'autre part que ce choix permet d'expliquer
la croissance des températures perpendiculaires
en fonction de la distance radiale observée par Voyager 1 en même temps
que leur décroissance (ou leur maintien à peu près constant)
à l'équateur centrifuge.
On montre en annexe B.3 (figure B.1)
ce qu'il advient de ces températures
lorsqu'on choisit un couple
et
, c'est-à-dire une
distribution isotrope avec le même kappa qu'utilisé figure vi.2.
On obtient encore dans ce cas une diminution des températures
calculées à l'équateur centrifuges par rapport à celles mesurées par Voyager,
mais elles sont quasi-constantes ou même légèrement croissantes avec la
distance,
ce qui est dû au fait qu'en l'absence d'anisotropie des ions, les profils
de densité sont moins confinés et, via la loi polytrope, l'effet d'inversion
des températures est moins prononcé. Ainsi une distribution kappa
isotrope des ions, même avec un kappa petit, est
insuffisante pour pouvoir expliquer les mesures de températures de Voyager 1
par l'effet combiné de la variation en latitude de la sonde et de la
filtration des vitesses le long des lignes de champ.
D'un autre côté, comme on l'a vu précédemment,
le choix d'un couple
et
, c'est-à-dire
une distribution bi-maxwellienne fortement anisotrope, est exclu pour
interpréter ces températures de cette façon, puisqu'elle prévoit au contraire
une augmentation des températures équatoriales encore plus prononcée avec
la distance (voir en annexe B.3 figure B.4). Cependant, avec une telle
anisotropie, on arrive effectivement à confiner le tore à peu près tel que
l'a vu Ulysse (figure B.6, cartouche du haut à droite),
tandis qu'avec notre hypothèse à kappa isotrope, le confinement obtenu est
insuffisant (figure
B.3, cartouche du haut à droite). Néanmoins, justifier
théoriquement de la persistance dans un plasma comme le tore d'Io
d'une anisotropie de température égale à 10 à l'équateur n'est pas
une mince affaire, et on peut considérer qu'on sort là des limites du plausible.
On voit donc que ce choix de et
est un compromis
plausible, qui permet d'être compatible à la fois avec 1)
une décroissance
théorique des températures avec la distance à l'équateur du tore, 2) une
augmentation des températures mesurées par Voyager 1, 3)
un confinement important du plasma autour de l'équateur centrifuge
tel que l'a observé Ulysse (voir figure vi.4) et sans oublier
4) l'augmentation de température avec la latitude observée par Ulysse.
C'est un compromis «fédérateur», en ce sens qu'il
permet d'expliquer conjointement les observations d'Ulysse et de Voyager 1.
Même s'il ne valide pas (au sens de la validation d'une mesure
physique) ces valeurs du kappa et
de l'anisotropie des ions que nous avons utilisées,
ce modèle montre en tous cas
qu'il existe une modélisation de la physique à l'oeuvre dans le tore
qui rend très comparables deux mesures faites à douze ans
d'intervalle, en utilisant grosso modo la structure radiale mesurée par
Voyager 1 et la structure en latitude mesurée par Ulysse. Une conséquence
est entre autres que si cette structure radiale perdure, elle doit être
expliquée par des arguments physiques très universels, et a fortiori
très indépendants de la météorologie volcanique d'Io.
Comme on l'a déjà remarqué (note 4), notre code, qui calcule les
paramètres du plasma «ligne de champ par ligne de champ»,
peut parfaitement
s'accommoder en entrée de kappa ou d'anisotropies variables avec la distance.
On pourrait, à cet égard, par exemple chercher à ajuster des valeurs de ces
paramètres pour expliquer «parfaitement» les profils de températures
de Voyager, d'Ulysse ou de Galileo. Mais,
en l'absence de véritables contraintes expérimentales sur ces paramètres,
un tel modèle serait un exercice
passablement gratuit et typiquement ad hoc.
Nous ne nous y risquerons donc pas.
.
Pour terminer cette discussion sur le choix des kappa et anisotropies
des ions, il est
important d'ajouter qu'un troisième paramètre mal maîtrisé peut
influer de manière importante sur les profils de structure du tore : le champ
magnétique de Jupiter. Afin de pouvoir comparer aisément nos résultats
avec ceux de [Bagenal, 1994], on a utilisé, notamment pour obtenir les figures
vi.1,vi.2,vi.3,B.1,
B.2,B.4,B.5,
le modèle de champ magnétique + lame de courant, utilisé par
cette auteur «as a working compromise». Néanmoins, un problème
épineux avec ce compromis de travail provient de ce que cette lame de
courant est par nature
fluctuante (alimentée en
partie par le vent solaire) et
mal connue, et donc mal modélisée. Bien qu'elle
introduise des différences
notables sur les profils de densités, surtout après 8.5
[Bagenal, 1994, voir fig.5 de,], l'ajouter ou pas ne modifie pas fondamentalement
nos résultats précédents concernant l'interprétation des températures de
Voyager 1. En revanche, pour correctement ajuster notre modèle
aux profils de densité électronique
d'Ulysse et de Voyager 2 dans la lointaine banlieue du tore (après 10
),
il a fallu purement et simplement l'abandonner (et utiliser
qui est
pour le moment le meilleur modèle de champ jovien aisément accessible).