Observatoire de Paris Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

D’importantes quantités de monoxyde de carbone dans la comète interstellaire 2I/Borisov

jeudi 23 avril 2020

La comète 2I/Borisov, un objet interstellaire découvert dans notre Système solaire au mois d’août 2019, continue de fasciner la communauté scientifique. En pointant les antennes du réseau ALMA, une équipe internationale impliquant des chercheurs du LESIA de l’Observatoire de Paris-PSL a pu observer directement les composés chimiques stockés à l’intérieur de la comète, faisant apparaître une abondance très élevée de monoxyde de carbone (CO), ce qui était assez inattendu. Cette étude fait l’objet d’une publication dans la revue Nature Astronomy en date du 20 avril 2020.

Images ALMA des raies de HCN (354 GHz) et CO (345 GHz) dans la comète (...)
Images ALMA des raies de HCN (354 GHz) et CO (345 GHz) dans la comète 2I/Borisov

La dimension des images est de 10000 x 10000 km, et la résolution angulaire est de l’ordre de 1000 km.
Crédit : ALMA (ESO/NAOJ/NRAO), M. Cordiner & S. Milam ; NRAO/AUI/NSF, S. Dagnello


La comète 2I/Borisov, découverte le 30 août 2019 par l’astronome amateur Gennady Borisov, n’est que le deuxième objet interstellaire à avoir été détecté dans notre Système solaire. Découverte quelques mois avant son passage au plus près du Soleil et de la Terre, les scientifiques ont pu mener différentes observations afin d’en savoir un peu plus sur cet objet venu d’ailleurs. On a pu ainsi établir qu’il s’agit d’un objet de petite taille, moins d’un kilomètre de diamètre, provenant à grande vitesse (32 km/s) de la direction de la constellation de Cassiopée. Au périhélie, à deux unités astronomiques du Soleil, la production en vapeur d’eau de cet objet glacé a atteint 30 kg par seconde.

Les astronomes s’intéressent fortement aux comètes, car ces astres passent la plupart de leur temps à grande distance de leur étoile dans des environnements très froids, et, contrairement aux planètes, leur composition n’a pas changé de manière significative depuis leur formation. Par conséquent, les comètes sont de véritables fossiles cosmiques qui aident à comprendre les processus qui se sont déroulés lors de leur formation dans les disques protoplanétaires.

En utilisant les antennes du réseau ALMA (Atacama Large Millimeter/Submillimeter Array) qui observent les rayonnements submillimétriques, les chercheurs ont détecté deux molécules dans le gaz éjecté par la comète : du cyanure d’hydrogène (HCN) et du monoxyde de carbone (CO). L’abondance de HCN par rapport à l’eau (de l’ordre de 0.1%) est similaire à celle mesurée dans les comètes du Système solaire. En revanche, la surprise a été grande de mesurer une très importante quantité de CO libérée par la comète, conduisant à un rapport d’abondance CO/H2O de l’ordre de 100%, bien supérieur, à une exception près, aux valeurs des comètes du Système solaire. La comète s’est vraisemblablement formée à partir de matériaux très riches en glace de CO, qui n’est présent qu’aux températures les plus basses dans l’espace, en dessous de -250 degrés Celsius. Autres caractéristiques étonnantes révélées par des observations dans le domaine visible : 2I/Borisov s’apparente à la famille des comètes du Système solaire pauvres en carbone, et est exceptionnellement riche en ammoniac.

Les chercheurs ne peuvent que spéculer sur le type de l’étoile qui a hébergé le système planétaire de 2I/Borisov. La plupart des disques protoplanétaires observés avec ALMA se trouvent autour d’étoiles de faible masse comme le Soleil, mais plus jeunes. Beaucoup de ces disques s’étendent bien au-delà de la région où nos propres comètes se seraient formées et contiennent de grandes quantités de gaz et de poussière extrêmement froids. Il est possible que 2I/Borisov provienne d’un de ces disques plus larges.

Jusqu’à ce que d’autres comètes interstellaires soient observées, la composition assez inhabituelle de 2I/Borisov ne peut pas être facilement expliquée et soulève de nombreuses questions. Verrons-nous plus de comètes interstellaires dans les années à venir avec des compositions chimiques particulières ? Que révéleront-elles sur la formation des planètes dans d’autres systèmes stellaires ?

Référence

Cordiner, M.A., Milam, S.N., Biver, N. et al. Unusually high CO abundance of the first active interstellar comet. Nat Astron (2020).

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