Observatoire de Paris Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

Encelade fait la pluie sur Saturne

mercredi 7 septembre 2011

Utilisant les donnĂ©es du tĂ©lescope infrarouge Herschel de l’ESA, une Ă©quipe internationale incluant cinq chercheurs du LESIA a rĂ©solu le mystère vieux de 15 ans de l’origine de l’eau dans la haute atmosphère de Saturne. Le composĂ© est expulsĂ© sous forme de vapeur et de glace par les geysers et panaches actifs au pĂ´le sud d’Encelade, une des lunes de la planète gĂ©ante aux anneaux. Le satellite de 500 kilomètres de diamètre rejette ainsi environ 250 kilogrammes d’eau par seconde puis elle s’accumule en un vaste nuage diffus qui dessine un anneau qui entoure Saturne. Lentement, 3 % Ă  5 % de cette matière finit par retomber dans l’atmosphère de la planète. Encelade constitue ainsi le premier exemple d’un satellite du Système solaire qui influence la composition de son astre parent.

Les panaches de vapeur d'eau au pĂ´le sud d'Encelade, observĂ©s par la sonde (...)
Les panaches de vapeur d’eau au pôle sud d’Encelade, observés par la sonde Cassini

(NASA/JPL/Space Science Institute)

Les observations effectuĂ©es par le tĂ©lescope spatial Herschel ont montrĂ© que l’eau Ă©jectĂ©e par le satellite Encelade formait un anneau (un « tore ») de vapeur qui entoure Saturne et enveloppe la trajectoire de la lune autour de sa planète. Les panaches et geysers qui s’échappent d’Encelade avaient Ă©tĂ© dĂ©couverts en 2005 sur les images transmises par la sonde Cassini-Huygens de l’ESA et de la Nasa.

Les observations réalisées dans l’infrarouge submillimétrique corroborent l’existence de l’anneau gazeux, composé de molécules d’eau et alimenté par les geysers du pôle sud d’Encelade. Elles révèlent un cas encore unique d’interaction entre un satellite et l’atmosphère de sa planète.

Un cas unique

L’eau dans l’atmosphère supérieure des planètes géantes (Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune) et du satellite Titan a été découverte en 1997 par l’observatoire infrarouge Infrared Space Observatory ISO de Agence spatiale européenne ESA, puis étudiée par le satellite submillimétrique Submillimeter Wave Astronomy Satellite SWAS de la Nasa. Son origine s’est avérée jusqu’ici particulièrement énigmatique. En effet, les atmosphères des planètes extérieures contiennent bien des traces d’eau dans leurs couches profondes, suffisamment tièdes. Mais l’eau se condense en nuages dans les couches moyennes et ne peut migrer dans les couches supérieures. La présence d’eau dans ces couches supérieures doit provenir d’une source extérieure.

Encelade au sein de son vaste anneau de gaz, observĂ©s en lumière visible par (...)
Encelade au sein de son vaste anneau de gaz, observés en lumière visible par la sonde Cassini

(NASA/JPL/Space Science Institute)

Les nouvelles observations, obtenues avec le spectromètre submillimétrique HIFI (Heterodyne Instrument for the Far-Infrared) d’Herschel, sont fondamentalement différentes de celles pratiquées dans le passé. Alors que les enregistrements (spectres) obtenus par SWAS et ISO ne présentaient que des signatures (raies) en émission de l’eau dans l’atmosphère de Saturne, Herschel a montré en plus des indices (raies) d’absorption, ce qui révèle la présence de molécules d’eau placées devant la planète par rapport à la Terre, dans un environnement plus froid. La première indication de cette absorption a été obtenue durant l’été 2009 puis elle a été confirmée en 2010 à plusieurs longueurs d’onde différentes.

Vaste anneau de gaz autour de Saturne

L’explication est que l’eau détectée par Herschel réside au sein d’un anneau de matière ténu alimenté par les panaches du pôle sud du satellite Encelade. La structure s’étend à une distance du centre de la planète équivalente à environ quatre fois son rayon.

Les raies spectrales de l'eau observĂ©es par le satellite SWAS en 1999 et par (...)
Les raies spectrales de l’eau observées par le satellite SWAS en 1999 et par le télescope spatial Herschel en 2009-2010

(P. Hartogh et al., A&A, 532, L2, 2011. © ESO)

Une faible partie (seulement 3 Ă  5 %) de l’eau Ă©jectĂ©e plonge dans les hautes couches de l’atmosphère de Saturne, alors qu’une proportion plus grande atteint les satellites de la planète et ses anneaux. La quantitĂ© d’eau qui atteint Saturne est cependant suffisante pour expliquer l’abondance de cette molĂ©cule observĂ©e dans la haute atmosphère de Saturne. Encelade apparaĂ®t donc comme le principal pourvoyeur d’eau dans la haute atmosphère de Saturne, ce qui constitue le premier exemple connu d’un satellite modifiant la composition chimique de sa planète-mère.

En revanche, l’eau émise par Encelade ne semble pas être en mesure d’expliquer les quantités d’eau dans l’atmosphère de Titan, la plus grosse lune brumeuse et glacée de Saturne, où une autre source d’eau semble donc requise. L’investigation continue…

Pour en savoir plus

Référence

Les travaux scientifiques originaux font l’objet d’un article "Direct detection of the Enceladus water torus with Herschel" paru dans la revue européenne Astronomy & Astrophysics.

Collaboration

Les observations de l’eau autour de Saturne font partie du programme clĂ© de temps garanti sur Herschel « l’eau et la chimie associĂ©e dans le Système solaire », qui rassemble une Ă©quipe internationale menĂ©e par Paul Hartogh du Max-Planck-Institut fĂĽr Sonnensystemforschung, Allemagne.

Instituts partenaires impliquĂ©s dans ces travaux :

  • Max-Planck-Institut fĂĽr Sonnensystemforschung, Katlenburg-Lindau, Germany
  • Observatoire de Paris, Laboratoire d’Etudes Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique LESIA (Observatoire de Paris, CNRS, UniversitĂ© Pierre et Marie Curie, UniversitĂ© Paris-Diderot), France (E. Lellouch, R. Moreno, D. BockelĂ©e-Morvan, N. Biver, J. Crovisier)
  • California Institute of Technology, Pasadena, USA
  • UniversitĂ© de Bordeaux, Observatoire Aquitain des Sciences de l’Univers, CNRS, UMR 5804, Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux (T. CavaliĂ©)
  • SRON, Groningen, The Netherlands
  • Herschel Science Centre, European Space Astronomy Centre, Madrid, Spain

Contacts chercheurs LESIA