Observatoire de Paris Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

FIRST : vers l’imagerie directe de systèmes exoplanétaires

mercredi 18 décembre 2013

(mise à jour le 21 décembre 2013)

Développé au sein du LESIA, puis intégré en juillet 2010 au foyer Cassegrain du télescope Shane de 3 m de l’observatoire Lick, FIRST (Fibered Imager foR a Single Telescope) est un instrument extrêmement prometteur. En ayant permis avec succès la première détection d’un système binaire serré - objet d’une publication le 16 décembre 2013 dans le journal Astronomy & Astrophysics - il offre la pleine mesure de son potentiel pour la caractérisation des systèmes exoplanétaires.

Installation de FIRST au foyer Cassegrain du télescope Shane de 3 (...)
Installation de FIRST au foyer Cassegrain du télescope Shane de 3 m

F. Marchis (Institut SETI) à gauche, E. Huby (LESIA) à droite.
© S. Goebel

Tout instrument utilisé depuis le sol est confronté aux effets de la turbulence atmosphérique, responsable de la dégradation de la qualité des images formées par un télescope, qui se traduit techniquement par une diminution du pouvoir de résolution (capacité à distinguer deux objets très proches), et une perte de dynamique. La dynamique (autrement appelée « contraste ») caractérise la capacité à détecter un objet faiblement lumineux à côté d’un objet brillant, critère essentiel à la détection de compagnons faibles tels que les exoplanètes près de leur étoile.

FIRST, un principe novateur

Le principe de l’instrument FIRST repose sur l’utilisation combinée de fibres optiques monomodes, couramment utilisées dans le domaine des télécommunications, et de la technique du masquage de pupille afin de restaurer les performances du télescope. Les fibres permettent de sélectionner la fraction cohérente de la lumière en différents endroits du miroir du télescope et de la transporter jusqu’à un détecteur sur lequel sont formées des franges d’interférences nettoyées des effets de la turbulence de l’atmosphère. L’information spatiale sur l’objet observé (par exemple la séparation et le rapport de brillance des deux étoiles) est contenue dans le contraste et la position de ces franges d’interférences.

Après la validation du concept en laboratoire au LESIA, FIRST a été intégré avec succès en juillet 2010 au foyer Cassegrain du télescope Shane de 3 m de l’observatoire Lick par une équipe internationale, composée de chercheurs du LESIA, mais également de l’Université de Berkeley, de l’Institut SETI, de l’Observatoire Astronomique du Japon, du télescope Canada-France-Hawai’i et de l’observatoire W.M. Keck.

Ce télescope de 3 m est équipé d’un système d’optique adaptative capable de restaurer la limite de diffraction du télescope aux longueurs d’onde infrarouges. Le couplage de ce système avec l’instrument FIRST permet de restaurer les performances du télescope également aux longueurs d’onde visibles, où l’optique adaptative est moins efficace.

Vers la caractérisation de compagnons faibles

Les données acquises avec FIRST à l’observatoire Lick ont ainsi permis de distinguer les deux composantes du système binaire Capella, l’étoile la plus brillante de la constellation du Cocher. Situées à 43 années-lumière de la Terre, ces deux étoiles orbitent l’une autour de l’autre à une séparation de l’ordre de la distance entre le Soleil et Vénus.

En plus d’une mesure de position précise à la limite de diffraction du télescope permettant de caractériser l’orbite du système, FIRST apporte une mesure inédite du rapport de brillance entre les deux composantes, dispersée spectralement entre 600 et 850 nm, ce qui constitue une donnée originale et unique pour caractériser les deux étoiles. Les caractéristiques spectrales peuvent en effet être analysées et comparées à un modèle de physique stellaire afin d’estimer les paramètres physiques, telle que la température de chaque étoile, leur métallicité ou encore leur gravité de surface. La comparaison des données avec les modèles les plus récents a permis de mettre en évidence la faiblesse de ces derniers dans certaines bandes moléculaires.

Une nouvelle version : FIRST-18

Montage optique de l'instrument FIRST-18
Montage optique de l’instrument FIRST-18

Le montage tient sur une table de 1m20 par 60 cm, avec les fibres optiques en bleu et la caméra scientifique à droite
© E. Huby (LESIA)

L’imagerie haute dynamique est un domaine actuellement en plein essor. La version actuelle de l’instrument, fruit de la thèse d’Elsa Huby, est appelée FIRST-18 car elle permet la recombinaison de la lumière prélevée en 18 éléments d’environ 40 cm de diamètre de la surface collectrice. La dynamique accessible par l’instrument augmente avec le nombre d’éléments recombinés, ainsi qu’avec la précision des mesures, liée à la stabilité de l’instrument.

À ce jour, FIRST-18 permet de détecter un compagnon quelques centaines de fois moins brillant que l’étoile centrale. Après ces premiers résultats, il reste à améliorer cette dynamique d’un facteur 10 à 100 pour détecter des compagnons planétaires situés très proches de leur étoile. Des développements sont en cours pour y parvenir.

FIRST-18 a été récemment intégré au banc d’optique adaptative de nouvelle génération du télescope Subaru de 8 m situé à Hawai’i. L’environnement plus stable et l’optique adaptative plus performante devraient permettre d’accroître la sensibilité de l’instrument et ses performances en dynamique. Avec un diamètre 2,7 fois plus grand, ce télescope donne également accès à une résolution angulaire 2,7 fois plus fine que celle fournie par le télescope de 3 m de l’observatoire Lick.

FIRST-18 à Subaru a reçu ses premiers photons stellaires en juillet 2013, ouvrant la voie à de prochaines campagnes d’observation de systèmes binaires à courte séparation, ainsi qu’à l’observation de la surface d’étoiles évoluées géantes rouges et supergéantes rouges pour l’étude des mouvements convectifs à leur surface.

Détection du compagnon de Capella aux trois époques d'observation (...)
Détection du compagnon de Capella aux trois époques d’observation différentes, avec trois dates en octobre 2011, deux en juillet 2012 et une en juillet 2012

La composante primaire est située au centre au niveau de la croix. L’ellipse en tirets eprésente l’orbite connue du système. Les cercles en pointillés bleus et rouges représentent la séparation correspondant à la limite de diffraction du télescope, à 600nm et 850 nm respectivement.
© E. Huby & G. Duchêne.

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