Observatoire de Paris Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

L’observation de glace d’eau fournit de nouveaux indices sur l’évolution de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko

jeudi 14 janvier 2016

(mise à jour le 18 janvier 2016)

Le spectro imageur infrarouge VIRTIS de la sonde Rosetta a détecté la présence de glace d’eau à la surface de la comète, dans la région d’Imhotep, en deux endroits distincts. Cette découverte permet d’en savoir plus sur les processus physiques de formation de couches de glace à l’intérieur de la comète. L’étude menée par une équipe internationale comprenant des chercheurs de l’Observatoire de Paris fait l’objet d’une publication en ligne dans la revue Nature, le 13 janvier 2015.

Observation dans l'infrarouge de la glace d'eau sur Imhotep
Observation dans l’infrarouge de la glace d’eau sur Imhotep

Crédits images : Images de la comète : ESA/Rosetta/NavCam–CC BY–SA IGO 3.0 ;
Données et images VIRTIS : ESA/Rosetta/VIRTIS/INAF-IAPS, Rome/OBS DE PARIS-LESIA/DLR ; G. Filacchione et al (2016)
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Bien que la vapeur d’eau soit le principal gaz présent dans la coma de 67P/ Churyumov- Gerasimenko, seules de faibles quantités de glace ont été observées en surface jusqu’à présent. L’analyse des données infrarouge de l’expérience VIRTIS permet d’identifier la composition de surface de la comète, essentiellement recouverte d’un matériau sombre, sec et riche en molécules organiques.

La présente étude porte sur des observations effectuées entre septembre et novembre 2014, avant le développement de la coma. L’équipe scientifique a montré que deux petites régions claires identifiées sur les images en lumière visible dans la région d’Imhotep, d’une taille de quelques mètres, sont en fait riches en glace.

Glace dans la région d'Imhotep
Glace dans la région d’Imhotep

Crédit : ESA/Rosetta/NavCam – CC BY-SA IGO 3.0
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La glace est observée sur des parois rocheuses et dans des éboulis, et se trouve à une température moyenne d’environ -120°C. La glace pure représente jusqu’à 4% de la surface de ces régions, mélangée aux matériaux sombres observés partout en surface.

En outre, l’analyse des données met en évidence deux types de grains de taille différente : les uns de quelques dizaines de micromètres de diamètre, les autres, nettement plus grands, ayant environ 2 mm. Ceci contraste avec les grains précédemment observés dans la région de Hapi, sur le "cou" de la comète, de beaucoup plus petite taille - seulement quelques micromètres de diamètre – objets d’une précédente publication.

Les différentes classes de taille impliquent des mécanismes de formation différents, se déroulant à des échelles de temps différentes. Dans la région de Hapi, les très petits grains sont associés à une mince couche de ’gel’ qui se forme à la suite d’une condensation rapide durant le cycle diurne de la glace d’eau (la rotation de la comète est d’un peu plus de 12 heures).

"En revanche, nous pensons que les couches de grains millimétriques observées dans la région d’Imhotep sont le résultat d’une histoire plus complexe ; elles se sont probablement formées lentement sous la surface, en étant protégées de l’érosion", indique Stéphane Erard, astronome à l’Observatoire de Paris, premier auteur français de l’étude. En supposant que les grains de glace présents à la surface ont normalement une taille avoisinant la dizaine de microns – comme le donnent à penser les observations de 67P et d’autres comètes - la présence de grains millimétriques peut alors s’expliquer par la croissance de cristaux de glace secondaires.

Ce phénomène peut s’expliquer de deux manières : soit par un procédé de “frittage”, sorte de compactage des grains de glace entre eux ; soit par sublimation, lorsque la chaleur du soleil pénétrant la surface de la comète réchauffe la glace sous-jacente. Une partie de la vapeur d’eau formée s’échappe du noyau, mais une fraction significative peut recondenser à la surface et former des couches. Cette idée est confortée par des expériences de laboratoire qui simulent le comportement de sublimation de la glace enfouie sous la poussière. Celles-ci montrent que plus de 80% de la glace se sublimant n’est pas libérée à travers la couverture de poussière, mais recondense sous la surface.

La transformation de la structure moléculaire de la glace peut également fournir une énergie supplémentaire déclenchant la sublimation. La transition entre les phases amorphe et cristalline de la glace, qui se produit aux basses températures observées sur les comètes, libère en effet une certaine quantité d’énergie.

"La croissance des grains de glace peut se produire dans des couches de plusieurs mètres d’épaisseur, et peut donc affecter la structure à grande échelle, la porosité et les propriétés thermiques du noyau”, ajoute Fabrizio Capaccioni, responsable scientifique de l’instrument à Rome. "Si les fines couches riches en glace exposées près de la surface sont le résultat de l’activité cométaire, celles-ci dérivent de son évolution récente et non d’un processus de formation ; cela n’implique donc pas nécessairement qu’une stratification à grande échelle se soit produite durant la formation de la comète."

Il n’est certes pas facile de distinguer les caractéristiques liées à la formation de la comète de celles acquises au cours de son évolution, et c’est pourquoi nous étudions une comète de si près : pour comprendre quels sont les processus importants à différents stades de son évolution, ajoute Matt Taylor, le responsable scientifique de la mission Rosetta à l’ESA.

Référence

Contact

  • Cédric Leyrat, astronome adjoint à l’Observatoire de Paris / LESIA

Pour plus information

  • Article VIRTIS sur le site du LESIA