Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

L’origine du vent solaire « lent » dévoilée par la mission Solar Orbiter

vendredi 31 mai 2024

Une équipe scientifique a fait un pas vers l’identification des origines du vent solaire « lent », en utilisant les données collectées lors du premier passage de la sonde Solar Orbiter à proximité du Soleil. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Nature Astronomy (Yardley et al. 2024).

Le vent solaire correspond à l’écoulement continu de particules chargées (formant un plasma) en provenance du Soleil. Il provient d’une couche de l’atmosphère solaire appelée couronne solaire. Ce plasma remplit toute l’héliosphère jusqu’à des distances de 100 fois la distance Terre-Soleil. Au voisinage de la Terre, il se déplace typiquement entre 300 et 800 kilomètres par seconde. En dessous de 500 km par seconde, le vent est qualifié de « lent ». Une nouvelle étude publiée dans Nature Astronomy fait la lumière sur l’origine de ce vent.

Lorsque le vent solaire frappe l’atmosphère terrestre, il peut provoquer d’étonnantes aurores boréales visibles vers le cercle polaire. En régime de forte activité solaire, comme à la mi-mai 2024, des aurores peuvent être observées à des latitudes plus basses, comme en France. En effet, un soleil plus actif accélère de plus grandes quantités de plasma et de particules énergétiques qui peuvent alors violemment impacter l’atmosphère terrestre.

En 2020, l’Agence spatiale européenne (ESA), avec le soutien de la NASA, a lancé la mission Solar Orbiter. Ce satellite est un laboratoire scientifique complexe doté de dix instruments scientifiques. Ils fournissent les images les plus proches et les plus détaillées du Soleil jamais prises à l’aide d’imageurs et de spectrographes, ainsi que des mesures in situ (locales) du plasma du vent solaire. Un autre objectif important de la mission est de relier le vent solaire à son origine dans l’atmosphère solaire.

Malgré des décennies d’observations et de modélisation, les sources solaires et les mécanismes physiques qui libèrent et accélèrent le plasma coronal loin du Soleil ne sont pas bien compris. En combinant des images solaires et des données in situ, les scientifiques ont été en mesure d’identifier plus clairement l’origine du vent solaire lent. Cela a permis d’établir comment le plasma est capable de s’affranchir du confinement magnétique de la couronne solaire.

Image de la couronne solaire observée dans l'ultraviolet extrême par trois (...)
Image de la couronne solaire observée dans l’ultraviolet extrême par trois instruments de Solar Orbiter

Le premier observe l’ensemble du soleil. Les deux autres ont un champ de vision réduit (petites images superposées) pour atteindre une plus grande résolution spatiale et obtenir des données détaillées du spectre d’émission des atomes.
Crédit : ESA & NASA/Solar Orbiter/EUI & SPICE/S. Yardley

Pour aller plus loin

Une équipe scientifique internationale (Royaume-Uni, Espagne, États-Unis, Italie, Irlande, France, Pays-Bas, Suisse, Allemagne) a analysé la couronne et le vent solaire lorsque le maximum de données, provenant d’un ensemble d’instruments, étaient disponibles (Yardley et al. 2024). La figure 1a de l’article Yardley et al. 2024 donne une vue globale de la couronne solaire très chaude (quelques millions de degrés) dans l’ultraviolet extrême. Les régions les plus brillantes sont les plus chauffées (elles sont nommées « régions actives »). Les régions les plus sombres de la couronne solaire sont connues sous le nom de trous coronaux ; se sont les sources du vent solaire rapide. Les lignes colorées représentent les lignes du champ magnétique calculées à partir du champ magnétique observé à la base de la couronne (photosphère, figure 1c). Elles s’étendent vers l’extérieur, loin du Soleil, et elles sont donc ouvertes. Ces calculs fournissent une prédiction théorique du lien entre la région coronale source et les mesures in situ du vent solaire, qui arrive au vaisseau spatial quelques jours plus tard. Les observations rapprochées de la figure 1b montrent des régions lumineuses, pointées par des flèches noires, où l’on observe des mouvements ascendants du plasma. Ce sont les sources identifiées de vent solaire lent.

Ces associations sont confirmées par des mesures de composition in situ telles que le rapport d’abondance du fer à l’oxygène. En effet, la composition chimique du vent solaire restant inchangée au cours de son trajet, celle-ci peut être utilisée comme un marqueur pour déterminer l’origine spécifique d’une partie de vent solaire. Les résultats ont montré que le rapport du fer à l’oxygène est différent à l’intérieur des trous coronaux et des régions actives, en accord avec l’analyse spectroscopique faite dans les régions coronales associées (voir article).

Les différences physiques entre les régions sources sont également confirmées avec d’autres mesures in situ comme le niveau d’ionisation de l’atome (le nombre d’électrons perdus par un atome). Cela indique que la source solaire du vent lent est plus chaude que celle du vent plus rapide. Ceci est en accord avec une origine associée ci-dessus à des régions actives. De tels résultats permettent de contraindre la physique impliquée dans l’accélération du vent solaire.

Les résultats ci-dessus montrent que le vent lent provient du plasma de régions actives. Mais ce plasma est piégé par le champ magnétique fermé (une « bouteille magnétique » fermée). Comment un tel plasma pourrait-il s’échapper pour former le vent solaire lent ? En fait, ces régions actives sont entourées d’un champ magnétique ouvert, comme le montre la figure 1a, où la « bouteille magnétique » est ouverte vers l’espace interplanétaire. Le vent solaire lent vient d’une petite région où se côtoient des champs magnétiques ouverts et fermés. Là, par un processus appelé « reconnexion magnétique d’interchange », un peu de plasma de la région active peut s’échapper et former le vent solaire lent. Cela explique notamment la différence de composition entre les vents lents et rapides.

Reference

“Multi-source connectivity as the driver of solar wind variability in the heliosphere”, Nature Astronomy, Yardley S., Brooks, D., D’Amicis R., Owen C., Long D., Baker D., Démoulin, P., Owens, M.J. et al.
https://www.nature.com/articles/s41550-024-02278-9

Contact LESIA

La mission Solar Orbiter de l’ESA est une collaboration internationale dans le cadre de laquelle des scientifiques et des institutions du monde entier travaillent ensemble.