jeudi 30 juillet 2009
(mise à jour le 31 juillet 2009)
En utilisant le système d’optique adaptative du Very Large Telescope de l’ESO, au Chili, une équipe internationale menée par un astronome du LESIA / Observatoire de Paris a obtenu des images les plus détaillées jamais réalisées de l’étoile supergéante Bételgeuse. Complétées par d’autres observations réalisées au VLT par une équipe scientifique indépendante, ces clichés révèlent que l’astre présente un vaste panache de gaz, dont la taille avoisine celle de notre Système solaire, ainsi qu’une gigantesque bulle bouillonnante à sa surface. Ces découvertes apportent de nouveaux indices sur la manière dont ces poids lourds célestes perdent de la matière à un rythme vertigineux.
obtenu avec le système d’optique adaptative NACO installé sur le Very Large Telescope de l’ESO. Les images atteignent presque la limite théorique de précision du VLT dont le diamètre est de 8 m. _(ESO / P. Kervella / LESIA, Observatoire de Paris)
Bételgeuse est la deuxième étoile la plus brillante de la constellation d’Orion (le chasseur). C’est une supergéante rouge et l’une des plus grosses étoiles connues, environ 1000 fois plus grosse que le Soleil . C’est aussi l’une des étoiles les plus lumineuses, rayonnant plus que 100 000 soleils réunis. De telles propriétés impliquent une fin imminente pour ce mastodonte stellaire. Avec un âge de seulement quelques millions d’années, Bételgeuse approche déjà de la fin de sa vie et est vouée à exploser en supernova, d’ici à quelques milliers d’années. Quand ce cataclysme surviendra, la supernova sera facilement visible depuis la Terre, même en plein jour. Les supergéantes rouges détiennent encore quelques mystères irrésolus. L’un d’entre eux est de savoir comment ces colosses perdent une énorme quantité de matière en un temps très court : environ la masse du Soleil en seulement 10 000 ans.
En fournissant des images de Bételgeuse à très haute résolution angulaire, l’équipe de scientifiques dirigée par Pierre Kervella, astronome au LESIA, apporte des éléments de réponse sur la manière dont les supergéantes rouges perdent leur matière à la fin de leur existence. Elle a pour cela utilisé l’instrument d’optique adaptative NACO . L’optique adaptative corrige la plus grande partie des perturbations dues à l’atmosphère. Mais pour approcher encore plus de la limite de résolution du télescope, l’équipe de chercheurs a employé la technique dite d’« imagerie sélective ». Encore peu employée avec l’optique adaptative, cette technique consiste à sélectionner les meilleures images parmi des milliers de poses très courtes qui "figent" les perturbations atmosphériques résiduelles, puis à les combiner pour former une image beaucoup plus fine que celle qui résulterait d’une seule pose longue.
Bételgeuse présente un vaste panache de gaz dont la taille égale quasiment celle de notre système solaire ainsi qu’une gigantesque bulle bouillonnante à sa surface. _(ESO / L.Calçada)
Les images provenant du télescope NACO atteignent ainsi pratiquement la limite théorique de précision d’un télescope de 8 mètres de diamètre. La résolution maximum obtenue est de 37 millisecondes d’angle, ce qui correspond à la taille apparente d’une balle de tennis sur la Station Spatiale Internationale (ISS), vue depuis le sol. "Grâce à ces images étonnantes, nous avons observé un grand panache de gaz s’étendant depuis la surface de Bételgeuse vers l’espace extérieur", raconte Pierre Kervella.
Le panache s’étend sur une distance supérieure à six fois le diamètre de l’étoile, correspondant à la distance entre le Soleil et Neptune. "Ceci est une indication claire que l’enveloppe extérieure de l’étoile n’éjecte pas de matière uniformément dans toutes les directions", ajoute Pierre Kervella. Deux mécanismes peuvent expliquer l’asymétrie observée. Le premier suppose que la perte de masse se produit au-dessus des calottes polaires de l’étoile, peut-être à cause de la rotation de l’astre. L’autre possibilité est qu’un tel panache soit généré au-dessus d’énormes mouvements de gaz ayant lieu à l’intérieur de l’étoile, des mouvements de convection similaires à ceux que l’on peut observer quand de l’eau bout dans une casserole.
Simultanément à ces travaux, une équipe indépendante menée par Keiichi Ohnaka (de l’Institut Max Planck pour la Radioastronomie - MPIfR, Bonn) a observé des mouvements de matière sur la surface de Bételgeuse en utilisant le mode interférométrique du Very Large Telescope (VLTI). Ces observations confortent la seconde hypothèse selon laquelle les panaches seraient dus à des mouvements de convection au sein même de l’étoile.
Cette avancée dans la connaissance de Bételgeuse couronne avec succès les efforts de l’Observatoire de Paris dont l’un des champs d’excellence porte précisément sur le domaine de l’imagerie visible en haute résolution angulaire. À l’origine même du concept d’optique adaptative, l’établissement est engagé depuis longtemps dans des travaux de réalisation instrumentale pour le VLT ; il a notamment contribué à mettre au point l’instrument NACO qui, d’une exceptionnelle précision, donne pleinement satisfaction à la communauté astronomique.
Pour en savoir plus
L’équipe de recherche est constituée de P. Kervella, G. Perrin, S. Lacour, et X. Haubois (LESIA, Observatoire de Paris), T. Verhoelst (K. U. Leuven, Belgique), S. T. Ridgway (National Optical Astronomy Observatories, USA), et J. Cami (University of Western Ontario, Canada).
De nombreuses ressources multimédia sont disponibles sur le site Grand Public de l’Observatoire de Paris.
Contact :
Pierre Kervella
LESIA
01 45 07 79 66
pierre.kervella obspm.fr
Rédaction : Frédéric Guérin, Observatoire de Paris