Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

Radioastromie solaire

jeudi 17 juillet 2014, par Karine Issautier

Les sursauts de type III sont émis par des électrons énergétiques (v ≈0.03–0.3 c) éjectés de certaines régions actives solaires. L’étude de leur directivité nous renseigne sur les différents processus physiques mis en jeu ainsi que sur les propriétés des régions émissives. L’observation simultanée par les récepteurs radio à bord des sondes Wind et Ulysse a permis de mesurer avec une précision inégalée leur diagramme d’émission moyen en-dessous de 1 MHz (Bonnin et al. 2008) (voir Figure ci-dessous), confirmant les résultats obtenus avec Ulysse et le radio spectrographe au sol ARTEMIS. Cette mesure a permis d’étudier l’évolution de l’énergie radio des types III avec la fréquence, conjointement avec Wind, Ulysse et STEREO (Bonnin, thèse 2008). Les sursauts de type II, observés aux ondes hectométriques et kilométriques, sont dus à des électrons accélérés au voisinage d’ondes de choc interplanétaires associées à des éjections de matière coronale. L’analyse approfondie du choc traversé par Ulysse en mai 2001 a permis d’identifier définitivement la source du type II dans la région du pré-choc amont et de mesurer précisément sa température de brillance au fondamental et à l’harmonique, ce qui a une grande importance pour la théorie de l’émission (Hoang et al. 2007).

Diagramme d'émission des types III
Diagramme d’émission des types III

Evolution en fonction de la fréquence et de la longitude du diagramme d’émission de types III à partir des mesures radio de Wind et Ulysse (Bonnin et al., 2008).

Les observations de la couronne solaire dans le domaine décamétrique (quelques dizaines de MHz [1]) révèlent la présence de nombreuses émissions de faible intensité, de courte extension temporelle, dérivant dans le plan temps-fréquence (voir la figure ci-contre).

Exemple de spectre dynamique (fréquences en fonction du temps). Exemples de (...)
Exemple de spectre dynamique (fréquences en fonction du temps). Exemples de structures radio solaires dérivantes (notées par des flèches) à partir d’observations décamétriques

Adaptée de Briand et al., A&A, 2008

Un spectro-polarimètre numérique à haute sensibilité et haute résolution temporelle et spectrale a été développé dans le passé le LESIA et installé sur les radiotélescopes de Nançay (Sologne) (http://www.obs-nancay.fr/index.php?option=com_content&view=category&layout=blog&id=49&Itemid=4) et de Kharkov (Ukraine). Nous avons étudié plusieurs centaines d’observations obtenues entre 1998 à 2002 par l’instrument ukrainien (Briand et al., 2008).

L’étude statistique des dérives en fréquence a permis d’identifier trois populations (Figure 2) : la population la plus nombreuse (63% des échantillons) présente un dérive en fréquence négative indiquant des électrons s’échappant du Soleil, la seconde population (23%) est composée d’émissions à dérive positive (électrons se dirigeant vers le soleil), enfin la troisième population correspond à des émissions ne présentant quasiment aucune dérive en fréquence (donc localisée à une altitude donnée dans la couronne). Cette interprétation sur la propagation des particules est également corroborée par la durée respectives de leur émission. Les particules retournant vers le soleil étant absorbées par l’atmosphère plus dense, les émissions correspondantes ont une durée jusqu’à trois fois plus courtes que celles liées à des particules s’échappant du soleil.

Figure 2
Figure 2

Distribution du taux de dérive dans le plan temps-fréquence. Le taux de dérive est indiqué en abscisse. Les pourcentages de représentant de chaque population par rapport à l’ensemble de l’échantillon est également indiqué.

En faisant l’hypothèse que des faisceaux d’électrons sont à l’origine des émissions décamétriques, l’analyse de la dérive temporelle permet de déduire la vitesse des faisceaux, moyennant une modèle de densité (Figure 3). On trouve ainsi des vitesses de l’ordre de 0.05c, soit entre 2 et 10 fois moins que les faisceaux à l’origine des émissions de Type III. La question était ainsi que comprendre l’origine de faisceaux aussi lents.

Des simulations numériques ont montré qu’un chauffage localisé d’un plasma [2] et présentant des fluctuation dans le temps engendre des ondes de Langmuir (Briand et al. 2007). Ce sont ces ondes qui sont à l’origine de ces émissions électromagnétiques observées. Autrement dit, ces émissions dérivantes pourraient être la signature de chauffage localisé dans la couronne solaire. En 2011 une nouvelle campagne d’observation s’est déroulée entre les réseaux décamétriques de Nançay et Kharkov. Si ce dernier est beaucoup plus sensible, le réseau français permet l’étude de la polarisation des ondes, un élément important pour confirmer le mécanisme d’émission des ondes.

Figure 3
Figure 3

Vitesse des faisceaux d’électrons en fonction de la distance au Soleil selon trois modèles différents de densité électronique dans le milieu interplanétaire (le nom des auteurs de chaque modèle est indiqué en titre de chaque figure)

Références bibliographiques

1. Briand, C. ; Zaslavsky, A. ; Maksimovic, M. ; Zarka, P. ; Lecacheux, A. ; Rucker, H. O. ; Konovalenko, A. A. ; Abranin, E. P. ; Dorovsky, V. V. ; Stanislavsky, A. A. ; Melnik, V. N., “Faint solar radio structures from decametric observations”, 2008a, A&A, 490(1), 339-344, DOI : 10.1051/0004-6361:200809842

2. Briand, C., Mangeney, A., Califano, F., “Electrostatic coherent structures generation by local heating in a collisionless plasma”, 2007, Physics Letters A, 368(1-2), 82-86

P.-S.

[1] MHz : MégaHertz

[2] Plasma : un gaz constitué de particules chargées (électrons, protons, ions). L’univers est constitué à 90% de plasma, les étoiles en premier lieu ainsi que le milieu interplanétaire