Institut national de recherche scientifique français Univerité Pierre et Marie Curie Université Paris Diderot - Paris 7

La mesure des champs magnétiques résolus - Transitions quantiques

mercredi 14 janvier 2009, par Jean-Marie Malherbe & Sylvain Cnudde

La mesure des champs magnétiques résolus - Transitions quantiques

L’effet Zeeman

Lorsque les atomes sur la ligne de visée sont plongés dans un champ magnétique, les raies se scindent en plusieurs composantes. Dans l’effet Zeeman « normal », on observe deux composantes décalées de part et d’autre de la position de la raie sans champ, et polarisées circulairement autour de la direction du champ magnétique, que l’on appelle σ+ et σ-. Il existe une troisième composante centrale polarisée linéairement dans la direction du champ magnétique et appelée composante π. Cette composante π n’est pas décalée par rapport à la position initiale de la raie sans champ.

Si le champ est purement longitudinal (orienté dans la direction de l’observateur), on ne voit que les deux composantes décalées σ+ et σ-. Si le champ est purement transversal (orienté dans le plan du ciel perpendiculairement à l’observateur), on voit les 3 composantes mais elles apparaissent toutes trois polarisées linéairement (car les composantes σ+ et σ- tournent dans un plan perpendiculaire au champ magnétique et la composante π est parallèle au champ magnétique). La réalité est toujours un mélange des deux situations.

L’interprétation de cet effet complexe nécessite l’usage de la mécanique quantique. On montre qu’en présence d’un champ longitudinal, on assiste à l’apparition de 2 composantes σ+ et σ- séparées en longueur d’onde d’une quantité 2ΔλB proportionnelle au champ magnétique B. La mesure de ΔλB permet donc d’accéder aux champs magnétiques longitudinaux. Mais comme en général, les composantes sont très peu séparées en intensité (voir la figure ci dessous), on doit recourir à l’analyse de la polarisation de la lumière, le décalage entre les composantes pouvant être mesuré beaucoup plus facilement sur les profils de Stokes I+V(λ) et I-V(λ) fournis par le spectrographe en sortie du polarimètre.

Effet Zeeman sur une tache solaire dans la raie FeI 6173 Å.
Effet Zeeman sur une tache solaire dans la raie FeI 6173 Å.

Selon l’orientation du champ magnétique, la raie se scinde en deux ou trois composantes. Lorsque l’écart entre les composantes est faible (cas général), seule l’analyse de la polarisation permet de les séparer. © Observatoire de Paris

Effet Zeeman sur une tache solaire dans la raie NaI 5896 Å en spectro (...)
Effet Zeeman sur une tache solaire dans la raie NaI 5896 Å en spectro imagerie.
Les deux images alternent les combinaisons de Stokes I+V(λ) et I-V(λ), montrant ainsi leur décalage proportionnel au champ magnétique © Observatoire de Paris

Décomposition Zeeman et transitions quantiques

Les niveaux d’énergie des atomes sont discrets et quantifiés par des nombres entiers ou demi entiers introduits par la théorie quantique. Pour décrire l’état d’un atome, on a besoin de connaître :

le moment cinétique orbital total L de l’ensemble des électrons de l’atome

le moment cinétique se spin total S de l’ensemble des électrons de l’atome

le moment cinétique total J = L + S de l’ensemble des électrons de l’atome dans le cadre du couplage spin orbite (entier ou demi entier)

la projection mJ du moment cinétique total J de l’ensemble des électrons de l’atome sur un axe, par exemple l’axe Oz. mJ peut prendre 2 J + 1 valeurs discrètes possibles (entières ou demi entières) telles que : - JmJJ

Un atome caractérisé par les nombres L, S, J possède une configuration notée : 2S+1 L J et son énergie ne dépend pas de mJ. Il y a donc 2 J + 1 niveaux de même énergie : on dit qu’il y a dégénérescence. Le niveau L = 0 est noté S, L = 1 est appelé P, L = 2 est nommé D, etc…

Lorsqu’un atome absorbe un photon, il se produit une raie d’absorption (même mécanisme pour l’émission). La fréquence ν du photon correspond à la différence d’énergie entre les niveaux de départ LSJ et d’arrivée L’S’J’ : E = h ν = h C / λ = | EL’S’J’ – ELSJ |

Mais les transitions quantiques sont soumises à des règles de sélection établies par la mécanique quantique. En couplage L,S pur (ce n’est pas toujours le cas), on aura :

ΔS = 0, ΔL = 0, ± 1, ΔJ = 0, ± 1, et ΔmJ = 0, ± 1

Un exemple simple : transition CaI 4227 Å 1S0 ->1P1

Raie 4227
Raie 4227

En présence de champ magnétique, la dégénérescence des niveaux d’énergie (2 J + 1) est levée et chaque niveau L S J se scinde en 2 J + 1 sous niveaux, dont l’énergie dépend maintenant de mJ qui n’est pas intervenu jusqu’ici.

Raie 4227b
Raie 4227b
  • La transition ΔmJ = 0 est dite composante π ; elle est polarisée linéairement dans la direction du champ magnétique. Mais si le champ magnétique se trouve dans la direction de la ligne de visée, c’est à dire longitudinal, alors la composante π est invisible.
  • Les transitions ΔmJ = ± 1 sont dites composantes σ+ et σ-. La polarisation est circulaire droite ou gauche autour de la direction du champ magnétique. Mais lorsqu’il est orienté dans le plan du ciel, c’est à dire transverse, l’observateur voit en réalité deux polarisations linéaires orthogonales à la direction du champ magnétique.

La variation d’énergie ΔEB = E - EB de la transition en présence de champ magnétique entre les sous niveaux L’S’J’mJ’ et LSJmJ est donnée par la mécanique quantique :

ΔEB = E - EB = h Δν = - h C Δλ / λ2 = μB B ( gJ’ mJ’– gJ mJ )

gJ’ et gJ sont les facteurs de Landé des niveaux haut et bas de la transition. Ils sont donnés par :

gJ = 3/2 + [ S(S+1) - L(L+1) ] / [ 2J (J+1) ]

μB = e ħ / 2m est le magnéton de Bohr ou moment magnétique de l’électron (e, m charge et masse de l’électron, ħ = h/2π, h constante de Planck). Il vaut 9.26 10-24 J T-1.

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